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La chronique chinoise de Bruno Gensburger

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Bruno Gensburger
Feb 18, 2024
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适应能力   Shìyìng nénglì

Nous sommes début 2002 à Pékin. Un vent d’optimisme, de prospérité et de liberté caresse la ville grise et poussiéreuse. La Chine, de haute lutte, vient d’entrer à l’OMC*.

A deux pas du 3e périphérique Est, se trouve le quartier de Sanlitun que j’ai eu le plaisir d’habiter pendant dix ans, de 1999 à 2009. Quadrillé de petites rues arborées et de maisons basses, c’est le siège des légations barbares** également appelées ambassades. C’est aussi là qu’a germé, à la fin des années 80, un axe nord-sud d’environ 400 mètres baptisé Rue des Bars. Des cafés avec terrasses plus ou moins bordilles s’y sont installés en enfilade sur le versant Est du trottoir, tandis que le trottoir Ouest a vu naître les premiers étals des commerces privés. Tout y était fake, cheap et toc, mais après plus de trente ans de maoïsme, ça fleurait bon la liberté et l’espérance. Les Etrangers aimaient s’y retrouver pour s’étonner des changements qu’apportait chaque jour nouveau. 

Mais dans une toute ville chinoise où les traditions confucéennes s’étiolent, qui dit bars, dit filles de joie. Qui dit coiffeurs, dit dames de petite vertu. Qui dit salons de massage, dit Lili-couche-toi-là. Et qui dit hôtellerie-restauration de luxe, dit TRAINEE, comme l’indiquait obligeamment le badge épinglé sur leur poitrine***. D’ailleurs, sur cet axe giboyeux, qui n’a pas été abordé tous les 50 mètres par des rabatteurs opiniâtres qui, persuadés de maîtriser à la perfection trois mots d’anglais, vous lâchaient d’un air mi-absent, mi-tentateur : Sai Ke Si ? … Sai Ke Si ?

En réalité, Sai, Ke et Si ne sont pas trois mots d’anglais, mais un seul qui, prononcé sans accent et à vitesse normale, signifie sexe.

L’offre était large : VCDs pornos piratés (le DVD n’existait pas encore), entraineuses plus ou moins anémiées, avachies dans des sofas de bars crados, créatures de sexe et d’âge à débattre. D’ailleurs, il n’était pas rare qu’au débotté, on débatte d’abord au bar avec des rabatteurs baratineurs, du coût des ébats et de rabais ébouriffants ce qui est aberrant, barbare et bas, car en amour, on ne rabote pas.

Le seul moyen efficace que j’avais trouvé pour me débarrasser courtoisement des apprentis-maquereaux, était d’exiger qu’ils me livrent des proies tri-sexuelles, borgnes, unijambistes ou d’origine cubano-ouighoures. Après tout, chacun ses fantasmes et le client est roi.

Généralement, après un temps de surprise, ils pesaient leurs chances de me fourguer une marchandise à peu près équivalente, puis renonçant à conquérir un tel marché de niche, ils me lâchaient pour d’autres chalands moins exigeants. 

Tout en m’inquiétant de la réputation que je me forgeais dans mon quartier, j’admirais leur ténacité. Ce sentiment a franchi un nouveau seuil le jour où, toujours sur la même rue, une femme cette fois, m’a abordé avec les mêmes trois mots magiques. Ce jour-là, je devais être d’humeur taquine

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