Vous avez sans doute entendu parler du « Splinternet », cette définition qu’on ne trouve dans aucun atlas, et qui pourtant livre un état du monde, ou plutôt, du cyber-monde.
Le Splinternet est un mode de régulation de l’Internet, qui consiste à fermer les frontières de la Toile pour des raisons très variées. Largement utilisé dans les pays autoritaires, le Splinternet est un Internet à deux vitesses, principalement pour maîtriser, voire censurer l’information qui circule.
J’ai pu assister il y a quelques jours à un hackathon confidentiel réunissant les communautés de développeurs et de chercheurs sur le sujet. Iraniens, Chinois, Tunisiens, Ukrainiens, Russes, Cubains se sont retrouvés pendant 3 jours pour reporter des coupures Internet et des mécaniques de propagande, et parler des solutions de contournement à la censure numérique.
Absurdistan
L’opération dure une heure, son nom de code : Absurdistan. Un chef de file joue le rôle du chef d’état dictateur, ordonne à « ses troupes » de bloquer les réseaux de communication, les messageries, et bien sûr, les VPN (Virtuel Private networks). S’engage alors une course pour se connecter au réseau et coder le plus vite possible des alternatives open source. Résultat : l’opération anti-censure a fonctionné, un participant a réussi à se reconnecter à Internet en routant vers une page web entièrement accessible, en mode sécurisé.
Lors de cet événement où l’anonymat est une ferme obligation, je plonge dans un univers parallèle de trouvailles ingénieuses, comme ce service de messagerie hors réseau, développé par des activistes pendant le Printemps arabe en 2011. Il s’agit d’une application de communication « peer-to-peer » baptisée qaul.net, qui permet de créer sa propre infrastructure de communication en la partageant à d’autres utilisateurs.
Chercheurs dans les universités ou développeurs dans des sociétés occidentales, ils vivent au Canada, aux Etats-Unis et en Europe. Techniciens humanistes de l’Internet, ils re-routent des adresses IP, cryptent des messageries sécurisées, inventent de nouveaux protocoles de langage informatique, montent des serveurs décentralisés, diffusent des « sites miroirs » par transmission satellite ou VPN, et se servent même des micro-ondes (les mêmes fréquences que dans votre cuisine), pour transiter de la donnée. Je suis réellement impressionnée par la créativité de ces hommes et de ces femmes (il y en a…), qui risquent leur peau dans ce jeu du chat et de la souris avec de dangereux censeurs de l’Internet.
L’Iran, champion du Splinternet
Pendant trois jours, j’évoque avec eux la Russie qui a votée la loi Runet, un Internet souverain qui permet à l’état de Poutine de maîtriser depuis 2010 son cyber espace. Le Grand Firewall de la Chine est évidemment aussi un gros sujet de discussion, mais le Splinternet de l’Iran est largement débattu.
Dans ce pays de 85 millions d’habitants où 70 % du trafic Internet se fait sur mobile, la répression prend des airs de Big Brother. « Le gouvernement a acheté des systèmes de contrôle parental au début des années 2000, pour commencer son travail de censure, et bloqué des sites web et certains blogs », m’apprend un chercheur iranien dont on conservera bien sûr l’anonymat.
« L’Iran est probablement le plus avancé dans les systèmes de censure, à contrario de la Chine, qui ne veut pas déstabiliser son économie et dont les codes culturels sont différents. L’Iran fonctionne sur d’autres principes. Le premier est de favoriser l’Internet domestique, en privilégiant la bande passante - 55-66 terabits de vitesse – à la connectivité internationale, qui a été bloquée à 10.7 gigabits. Ralentir la vitesse de connexion au réseau mondial permet
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