多利潘 Duōlì pān
Savez-vous pourquoi les mères juives ne prennent jamais de Doliprane ? Parce que ça risquerait d’aller mieux.
Savez-vous pourquoi la Chine ne se retient pas de prendre des initiatives choquantes ? Probablement pour la même raison.
C’est ce que porte à croire l’affaire de la publication récente de la nouvelle carte officielle chinoise qui a soulevé un concert international de protestations indignées.
On aurait pu imaginer que la mauvaise passe que traverse le pays sur tant de fronts (économique, commercial, social, agricole, climatique et diplomatique…), conjuguée à l’imminence de la tenue du prochain G20 à New-Delhi, ces 9 et 10 septembre-auquel Xi Jinping ne se rendra pas pour une foule de raisons intérieures et extérieures- l’inciterait à offrir au monde, un visage plus amène et rassurant. Erreur !
Enkystée dans sa posture dominatrice, la Chine, par cette publication, adresse au monde un message d’enfant gâté : « Je suis puissante, je fais ce que je veux, et si vous n’êtes pas contents… », je vous laisse imaginer les options.
Que Pékin ne craigne pas d’irriter ses ennemis traditionnels par son unilatéralisme et son hégémonisme, cela se conçoit. Mais pourquoi heurter aussi frontalement ses alliés et ceux qui, comme l’Inde, l’Indonésie ou les Philippines, sont susceptibles de soutenir Pékin dans sa rivalité avec l’Occident ?
Affirmer ainsi, au mépris des lois et traités, ses ambitions territoriales et maritimes est le moyen le plus sûr d’en pousser certains dans les bras des Américains et, accessoirement, de se faire remonter les bretelles par son plus puissant allié. Bravo ! C’est un strike !
Simple hubris ? Volonté de défier, de provoquer, de tester les réactions ?
Au-delà de l’expression de ce céleste mépris, la question fondamentale qui m’obsède (notamment depuis le Covid-19) est la suivante : la Raison a-t-elle déserté le PCC ?
- Si la réponse est Oui, voilà qui est très inquiétant pour la planète et il est urgent d’en tirer les conséquences pratiques.
- Si la réponse est Non, alors existe-t-il, pour comprendre la psyché de la Chine de Xi*, un autre prisme rationnel que celui de sa posture idéologique compulsive d’affirmation de puissance ?
Malheureusement, je ne le crois pas. Or, si cette posture constitue l’alpha et l’oméga de sa politique extérieure, cela augure mal de l’avenir et renforce l’hypothèse des scénarios les plus sombres.
Ne pas partager la même grille logique dans les relations internationales est chose commune et c’est le rôle de la Diplomatie que d’y remédier. En revanche, comment traiter avec une puissance dont les symptômes autistiques se renforcent au rythme de sa puissance militaire (réelle ou fictive) ?
Que pouvons-nous en attendre ? Que devons-nous en craindre ?
La question est vertigineuse, dérangeante mais indispensable.
Alors, vous ferez bien ce que vous voudrez mais moi, je crois que je vais reprendre un Doliprane.
*Répétez trois fois en articulant correctement
Études de caractères, la chronique de Bruno Gensburger, interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.
Karim Oyarzabal a eu plusieurs vies. Aujourd’hui illustrateur et auteur de bandes dessinées, Karim a été comédien en Chine pendant plusieurs années et est diplômé de l’Ecole Polytechnique.