Elon Musk, homo hybris-politicus
Je me souviens d’un dîner où Elon Musk, alors en simple visite, a débarqué dans un restaurant. C’était l’époque de la conférence LeWeb qui réunissait à Paris le (futur) gratin de la Tech mondiale. Un de mes confrères journalistes me dit : « Tu as vu ? C’est Elon Musk. J’ai bien envie d’aller lui parler ».
Le voici alors s’approcher de la table des convives et glisser quelque chose à l’oreille de l’ancien de PayPal, qui se met à rire très fort, une de ses marques de fabrique. Mon ami revient s’assoir à côté de moi et je lui demande ce qu’il a dit à Elon Musk. Il me répond : « Je lui ai dit « Mr Musk je vous adore, j’ai lu tous vos livres et vu tous vos films! ».
Elon Musk aurait-il un jour envie de disrupter le cinéma (et le faire vraiment) ? La réponse : pourquoi pas ! Puisque la politique est désormais la nouvelle cause de l’entrepreneur le plus puissant et le plus contredit de la planète.
Lui qui avait jadis malmené la sphère politique et ses représentants (officiellement), en changeant de camp à plusieurs reprises, le voici arriver dans l’arène de la campagne présidentielle, en cravate pour soutenir la candidature de Donald Trump.
En rejoignant en juillet dernier l’America PAC, un comité d’action politique dans lequel on retrouve plusieurs entrepreneurs et investisseurs de la tech, le patron de SpaceX, Tesla et du réseau X s’est dit prêt à débourser 45 millions de dollars pour faire gagner Trump en novembre. Une somme énorme jamais engagée par un individu pour élire un président américain.
Musk en commissaire aux comptes de l’Etat
Musk s’engage donc plus officiellement en politique, en mixant la méthode traditionnelle, et le coup d’éclat. Tout récemment, Elon Musk a embauché Chris Young, un “conseiller donateur”, membre du parti républicain, expert en organisation de campagnes, et texan (c’est peut être un détail pour vous mais…)
Le coup d’éclat est plus un claim, mais c’est audacieux : Musk aurait soufflé à Trump la création d’un Government efficiency Commission pour auditer les comptes de l’ensemble du gouvernement fédéral américain. Bien que personne ne puisse encore dire que ça soit réaliste, le symbole d’un Musk présent dans l’appareil exécutif, plus puissant encore, est déjà posé.
Mais pourquoi celui qui n’hésitait pas à dire il y a quelques années qu’il n’avait pas besoin des politiques (comme des journalistes, la liste s’allonge…) pour construire son influence, rentre dans l’arène politique ?
4,9 milliards d’aides de l’Etat en 2015
En plaçant ses pions dans la réélection de Trump, Elon Musk veut d’abord s’assurer que son écosystème d’entreprises tournera selon ses prévisions. En 2015, 4,9 milliards de dollars d’aides gouvernementales auraient bénéficié à ses sociétés (enquête du Los Angeles Times). Un site qui trace les programmes d’aides gouvernementales, Subsidy Tracker, a recensé plusieurs dizaines de milliards de dollars en cumulé vers SpaceX ou Tesla, provenant du gouvernement central mais aussi de la part des 50 états locaux.
Si les motivations de ce trublion de 53 ans sont évidemment économiques (pragmatiques, dit-on à Washington), Musk agit comme un homo hybris-politicus. A force d’être reçu en chef d’état comme on l’a vu en France, en Allemagne ou en Argentine, et fort de sa puissance planétaires par ses moyens de connectivité (SpaceX et Starlink), Elon Musk aurait-il pris goût au pouvoir, purement politique ?
Peut-être qu’il en a aussi tout simplement besoin : dans l’affaire qui l’oppose au juge Alexandre de Moraes, son ennemi N°1 du moment qui a bloqué X au Brésil, et à certains hommes politiques de premier plan (Thierry Breton par exemple), il ne suffit pas de venir en guest avec les promesses de giga-factory comme monnaie d’échange. En tout cas, pas seulement avec ce genre de plans.
Désormais, et depuis l’affaire Telegram, la ligne de défense basée sur la liberté d’expression sans limites vacille un peu… Si Musk veut continuer à dominer et servir son empire, il lui faut un nouveau talent : prévoir et influencer les intentions des humains. Les votants n’étant pas tous des followers de X, ce seront les urnes qui parleront.