Gare à vous ! 当心 ! Dāngxīn !

Je vous demanderai de bien vouloir cesser de lire ma chronique immédiatement

La chronique que vous êtes en train de lire est directement inspirée d’une scène curieuse, édifiante et authentique qui s’est déroulée ce 23 janvier à la gare St Pancras de Londres. D’un côté, un petit groupe de jeunes Chinois, portant écharpes rouges et petits drapeaux nationaux. De l’autre, un pianiste anglais, interprétant en live streaming des boogies woogies endiablés sur un piano (offert aux passants par Elton John). Une conversation s’engage et prend le tour inattendu que vous découvrirez plus bas.

Cependant, ma chronique étant en cours d’élaboration, je vous demanderai de bien vouloir cesser de la lire immédiatement.

Pourquoi ? Tout simplement, pour des raisons que je ne peux vous exposer ici à cause de leur caractère hautement sensible. Parfaitement. Je vous prie juste de bien vouloir me comprendre et de coopérer dans discuter. J’aime beaucoup ce que vous faites, vous êtes formidable, mais je vous demande seulement d’arrêter. De toute façon, j’ai le droit d’exiger cela de vous, et si malgré mon interdiction vous persistez dans la lecture de cette chronique, je considèrerai que vous violez ma propriété intellectuelle et mon droit à l’anonymat.

Et ne m’objectez pas que, si je ne veux pas être lu, je n’ai qu’à ne pas écrire. Ce serait trop facile. Car non seulement j’ai le droit d’écrire (je connais mes droits, tout de même !) mais j’ai aussi le droit de me protéger contre le type d’abus auquel vous êtes en train de vous livrer. Alors, pour la dernière fois, je vous demande de cesser votre lecture. Fin de la discussion !

Pardon ? Vous trouvez ma demande grotesque et vous me demandez si je suis Français… ? Ah, je vous en prie, gardez vos sarcasmes arrogants et racistes pour vous, et sachez que je me réserve le droit de vous poursuivre en Justice si vous persistez à me désobéir. J’espère que j’ai été clair.

Mais pourquoi touchez-vous votre clavier ? Ne le touchez pas ! NE LE TOUCHEZ PAS, j’ai dit !!! NE LE TOUCHEZ PAS !!!

Ah, vous êtes toujours sur ma chronique ?... ? Très bien, j’appelle la Police.

En attendant qu’elle arrive, cliquez donc ici et commencez directement à la 9^e minute :

La scène est un peu longue mais riche d’enseignements sur une posture chinoise, hélas, de plus en plus fréquente et préoccupante.

Je vous laisse tirer les conclusions que vous voudrez sur cette histoire digne d’un épisode de Caméra Cachée ou des Monty Pythons, qui, in fine, révèle l’incompatibilité de deux grilles de lecture différentes face à une situation anodine.

Le pianiste anglais ne réagit qu’à travers le prisme de la liberté d’expression et les Chinois, à travers celui de leur nouvelle éducation nationaliste. Celle-ci leur enseigne que le temps où la Chine baissait les yeux devant l’Occident colonialiste est terminé. La Chine est désormais puissante et ses citoyens ont des droits qu’ils entendent bien faire valoir, même au prix de postures absurdes et de caprices disproportionnés. 

Pour ma part, je compatis surtout au sort de ces gens dont le zèle imbécile a révélé au monde entier* l’exigence, aussi farouche que suspecte, d’anonymat. On rencontre sa destinée par les chemins qu’on prend pour l’éviter, aurait certainement conclu la Fontaine.

Quant à vous, ça ira pour cette fois. Mais si je vous reprends à lire une de mes chroniques, vous entendrez parler de moi. C’est bien compris ?

B.G

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* 6 millions de vues en 48 heures, par la magie des réseaux sociaux

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Bruno Gensburger est interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.