环球时报 Huánqiú shíbào
Vous vous sentez un peu déprimé ou d’humeur maussade ? Un conseil : faites comme moi, précipitez-vous sans attendre sur le site du Global Times.
Organe de propagande du Parti Communiste chinois (PCC) fondé en 1993, ce journal dirigé par HU Xijin** (et non pas, par HU Xijinping… on pourrait se méprendre), est une sorte de Pravda dépoussiérée. Mise en page moderne, dessins humoristiques, photos en couleurs, sarcasmes et manchettes-choc, tel est l’ersatz du Quotidien du Peuple. Sa ligne éditoriale, entièrement au service du PCC, en fait un canard complètement enchaîné… ou si vous préférez, un canard laquais.
Sa lecture occasionnelle (pas d’utilisation continue sans avis médical) présente divers avantages. Elle permet de s’assurer que tout va toujours pour le mieux aux quatre coins de l’Empire Fleuri, pendant que le reste du monde sombre dans le chaos. Elle offre à quiconque veut bien se donner la peine de lire, une vision claire de ce que sont autorisés à penser les Chinois. Et enfin, elle permet de mesurer la distance psychologique qui sépare chaque jour davantage la Chine de l’Occident.
Ainsi, hier, voulant stopper net les premiers symptômes d’un subit accès de mélancolie - un peu comme on lutterait contre un rhume naissant en se jetant sur des huiles essentielles - je me suis précipité sur le site du journal, plus précisément dans la rubrique intitulée : Le courrier de Xi.
Un journaliste du nom de Ji Yuqiao, m’y apprenait que, malgré son emploi du temps très chargé, le Président Xi tenait à répondre personnellement à quelques citoyens du monde, agités de la plume. Mais, hélas, au lieu de Sa lettre dont je me faisais déjà une joie, ne figurait qu’un article intitulé « Encouragés par la lettre de Xi, les experts étrangers et les Editions en langues Etrangères* s’engagent à contribuer davantage aux échanges entre la Chine et le reste du monde ». Ebloui par la concision de l’accroche, je m’attardai sur deux photos d’illustration qui subitement me redonnèrent goût à la vie.
La première, montrait une brochette d’experts étrangers, visiblement ravis de l’être, assis tout sourire dans une grande salle, derrière des piles de dossiers. L’intégralité du mur du fond, occupée par un vaste présentoir, exhibait fièrement les nombreux exemplaires identiques de l’œuvre de Xi Jinping « La gouvernance mondiale ». Tiens ! me dis-je in petto, une maison d’édition qui ne publie qu’un seul livre ! Comme c’est bizarre !
La seconde photo montrait la vitrine d’une librairie, ornée d’un drapeau rouge, tapissée elle aussi des exemplaires de l’œuvre du Penseur Suprême. Dans les deux coins inférieurs du présentoir, on distinguait trois autres ouvrages. En zoomant, je découvris, rassuré, l’autre page-turner du Président : « Améliorer la vie du peuple ».
Alors, je sais. Comme moi, forcément, vous vous posez la question :
Ji Yuqiao est-il juste un flagorneur zélé, fier de publier ces photos, comme s’il ignorait à quelles folies individuelles et collectives peut mener un contrôle aussi étroit de la pensée ?
Non. Je ne le crois pas.
Ignorait-il l’effroi que susciteraient ses clichés chez tout lecteur non-Chinois ?
Non. Je ne le crois pas non plus.
J’en déduis donc que, c’est délibérément, que Ji Yuqiao nous lance, à travers ses photos sidérantes, un discret mais déchirant appel au secours. Aidez-nous ! nous hurle-t-il, en silence. Regardez où nous en sommes. Faites quelque chose avant qu’il ne soit trop tard.
Mais en me replongeant plus longuement dans la lecture de ce journal décidément très instructif, j’ai petit à petit fini par comprendre qu’en réalité, JI Yuqiao s’abritait derrière son puissant organe pour envoyer discrètement aux forces étrangères des messages codés, indétectables par la censure chinoise. Il mérite donc d’être dénoncé, arrêté, jugé pour intelligence avec l’ennemi, et condamné à être frit dans l’huile. A l’ancienne. Ça lui fera les pieds, à ce salopard !
Ah, nom d’un chien, je me sens déjà beaucoup mieux !
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* Hu Xijin a été journaliste au Quotidien du Peuple, ancien Rédacteur-en-Chef du Global Times et aujourd’hui, inspirateur des thèses les plus radicales et nationalistes reprises par Xi Jinping.