Great Drill 1-Green Deal zéro
Quand L'Europe signait un accord stratégique sur les ressources naturelles de l'Ukraine
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Marion & Co.
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Drill, Baby Drill. Дриль, дитяча дриль. Un « vaste » accord sur les minerais de l’Ukraine, en guerre contre la Russie depuis bientôt 40 mois, vient d’être signé entre Kiev et Washington. Des « projets d'extraction de minerais, de pétrole et de gaz » seront ainsi financés, a précisé la ministre ukrainienne de l'Économie, Ioulia Svyrydenko, qui a fait le déplacement à Washington pour signer le document. Le texte prévoit en outre la création d’un Fonds d’investissement pour soutenir la reconstruction du pays.
On sait que l’accord a été signé dans la douleur, pour ne pas dire dans la violence (souvenons-nous de la scène du Bureau oval…). Mais on s’interroge sur les conditions réelles de cet accord, et son application.
→ Le pays attaqué par la Russie se place en 40ème position des pays producteurs de minerais, toutes catégories confondues (charbon inclus), selon la publication World Mining Data de 2024. L’Ukraine dispose notamment de manganèse (8ème producteur mondial), de titane (11ème) et de graphite (14ème), indispensable à la production de batteries électriques. Ses réserves en lithium sont en partie situées dans l’est du pays.
Polémique sur les terres rares. Un article d'IEEE Spectrum, intitulé « Rare Earths Reality Check: Ukraine Doesn't Have Minable Deposits », publié le 7 mars 2025, remettait en question la viabilité d'un accord entre les États-Unis et l'Ukraine concernant l'exploitation des terres rares ukrainiennes. Les scientifiques pointaient du doigt les données géologiques trop anciennes sur la disponibilité des réserves, datant de l’ère soviétique. Ils estimaient par ailleurs qu'il pourrait falloir jusqu'à 20 ans pour développer une mine fonctionnelle, rendant un accord peu réaliste à court terme, complexe dans l’extraction, et très/trop coûteux.
C’est surtout le gaz naturel qui est au centre de cet accord entre Kiev et Washington. L’Ukraine dispose en effet de 900 milliards de m3 de gaz naturel (source International Trade Administration). Le reste des ressources naturelles, stratégiques dans la production industrielle et militaire, n’est pas en reste, mais nécessite des investissements colossaux.
Pour tenter d’en savoir le montant, il faut remonter à la campagne #AdvantageUkraine de Volodymyr Zelensky lancée en 2022 pour attirer les investisseurs, qui vantait déjà la richesse des sols ukrainiens, et donnait des potentiels chiffrés éclairants au regard de l’accord américano-ukrainien. Le potentiel de minerai de fer brut était par exemple estimé à 6,5 milliards de tonnes, et l’investissement nécessaire pour extraire les ressources naturelles convoitées du pays était évalué à 5,6 milliards de dollars, comme le précise le site officiel : https://advantageukraine.com/
Les Etats-Unis, comme la Russie, n’ont pas été les seuls à convoiter les richesses de l’Ukraine. Le 13 juillet 2021, l'Union européenne et l'Ukraine avaient signé un partenariat stratégique pour « renforcer la coopération dans le domaine des matières premières critiques et des batteries ». Cet accord, signé à Kiev, s'inscrivait à l’époque dans le cadre du Green Deal, un vaste plan d'action européen pour soutenir la transition écologique industrielle. Le partenariat prévoyait notamment de renforcer la coopération sur l’identification des minerais, le répertoire de données géologiques, et des acteurs pour amorcer l’exploitation des ressources ukrainiennes.

Sept mois après la signature de cet accord stratégique entre l’Europe et l’Ukraine, la Russie envahissait son voisin, s’emparant au passage de certaines zones aux ressources abondantes dans le Donbass, à Marioupol …
Si l’accord entre Zelensky et Trump indique que Kiev restera maître des zones d’exploitation des futures exploitations minières, on peut se demander dans quelle condition cette clause sera effective, et comment les terres rares vont, au final, redessiner la carte de l’Ukraine toute entière.
Amazon-Kuiper bientôt au secours de Taïwan ?
Jeff Bezos n’envoie pas que sa compagne dans les airs. Amazon a conclu un accord avec United Launch Alliance pour bâtir une constellation de satellites en orbite basse, soit 3 200 satellites dans le cadre du projet Kuiper. Un projet en concurrence directe avec Starlink pour défier les lois de la couverture Internet par satellite.
Si Starlink compte plus de 6 750 satellites en orbite, Amazon doit rattraper un léger retard dans la fourniture en connectivité satellitaire. Mais l’entreprise de Bezos n’en est pas à ses premiers essais, et collabore surtout avec le consortium Boeing-Lockheed Martin, lui-même percuté par la concurrence d’Elon Musk et SpaceX, sans doute ravi de se refaire une cure de jouvance en matière spatiale.
Kuiper d’Amazon n’aura peut-être pas qu’une finalité commerciale : en décembre dernier, Taïwan était en pourparlers avec Amazon au sujet du Projet Kuiper. Un accord pourrait permettre à Taïwan de garantir ses communications en cas d'attaque chinoise, comme Starlink en Ukraine. A suivre donc…
Stablecoin
Trump a encore frappé. À la veille de sa visite aux Emirats Arabes Unis dans quelques jours, le Président américain a envoyé un émissaire pas comme les autres : son fils, Eric Trump. On apprend ainsi ce matin dans le New York Times que l'entreprise de cryptomonnaies de la famille Trump, la World Liberty Financial, va émettre un « stablecoin », un titre virtuel destiné à finaliser la transaction entre la société d'investissement émiratie MGX, soutenue par l'État, et Binance, la plus grande plateforme d'échange de cryptomonnaies au monde, durement encadrée par l’administration américaine. Montant de la transaction : 2 milliards de dollars.
Pour quoi faire ? De l’immobilier bien sûr ! Eric Trump, en tournée dans la région et notamment à Dubai, a annoncé vouloir investir au paradis des cryptos dans un projet de complexe immobilier à hauteur d’un milliard de dollars, largement financé par les monnaies virtuelles, au travers de World Liberty Financial.
En contrepartie (de ce conflit d’intérêt avéré), Khazna, entreprise dubaïote de data centers dans l’intelligence artificielle, envisage d'investir aux États-Unis.
Le CNRS et STMicroelectronics vont annoncer en juin la création d’un laboratoire commun dans les semi-conducteurs. Les deux entités sont déjà liées par des contrats de collaboration dans de plusieurs domaines : composants en semi-conducteurs, alliages, technologies de communication radio etc…
Un off ? écrivez-moi à marion@horsnormes.media
Géopolitique et Wargame :
L’IEGA (Institut d’études en géopolitique appliquée) organise une formation Wargaming les 5 et 6 juin prochains. Pour en savoir plus, c’est ici.
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Franck Decloquement, Expert en intelligence stratégique et cyber. Membre d'honneur du CEPS et de la CyberTaskForce.
Julien Nocetti, chercheur et responsable des sujets numériques, cyber et technologiques au CAPS (Centre d'analyse, de prévision et de stratégie du Ministère des Affaires Étrangères)
Pierre Haski vient de sortir un nouvel ouvrage, “Décolonisations africaines” paru chez Stock, et préfacé par Pap Ndiaye.