Premier épisode d’une série de reportages à Lviv, en Ukraine, pour comprendre comment se joue cette guerre “hybride” et technologique.
Entre agacement, colère et tristesse, Iurii Tanasiychuk hésite. Les larmes ne sont pas très loin de couler ce vendredi matin pendant notre entretien. Cet ancien avocat ukrainien a créé April Foundation, qui collecte de l’argent pour fabriquer des drones directement livrés aux brigades du front, à Kharkiv, Kherson et les territoires sous le feu des bombes russes.
« Les instructeurs français et internationaux veulent nous aider et c’est sincère, je n’en doute pas. Mais ni vous les Français, ni les Américains ne verront aucune guerre comme celle qui se déroule en Ukraine. Bakhmout n’existe plus, des villages entiers ont été rasés en un mois. Ça ne s’est jamais produit auparavant», réagit Iurii à l’annonce d’Emmanuel Macron d’envoyer des Mirage et des instructeurs français dans le pays.
Dans cet atelier coincé à l’étage d’un building typiquement soviétique (il s’en excuse au passage), Iurii est ravi de me montrer les étagères remplies de drones FPV (First Person View) équivalents à ce qu’on peut trouver sur un site e-commerce. Un ingénieur en électronique est assis et les « modifie » à l’ukrainienne. Ces objets volants customisés seront envoyés sur le front dans quelques jours.
Dans l’atelier d’April Foundation, comme dans ces centaines d’unités de fabrication improvisées dans tout le pays, on fabrique des drones en fonction du besoin des armées : drones de reconnaissance, drones lanceurs de bombes, drones kamikazes, et le combo associé : batteries et systèmes de brouillage radio.
Quand j’interroge Iurii sur la provenance de ces matériels sophistiqués dans leur assemblage quand ils ne sont pas “sur étagère”, la colère revient : « On fait tout pour fabriquer nos propres produits ici en Ukraine. Mais on n’a pas le choix, la Chine a les produits les moins chers. Et la Pologne bloque certains produits à la frontière, comme ils avaient bloqué certaines produits issus de notre agriculture. Ils ne sont pas censés bloquer des marchandises militaires, mais ils empêchent les livraisons de composants et ça, ça tue des vies ! », enrage-t-il.
Il me montre un de ces drones composé de fibres de carbone, fibres qui viennent de Chine, et arrivent par les Baltiques et la Pologne, tout proches. Après avoir commandé 10 mètres de carbone pour équiper 300 lames sur une série de quadricoptères, et deux semaines de délai de livraison annoncées, on l’informe que la marchandise est bloquée par les douanes polonaises. Impossible de démarrer la production : « Rien n’a été livré à nos soldats et l’un de mes contacts a été tué début avril. Imaginez que sur une ligne de combat qui fait 1 millier de kilomètres, combien d’hommes
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