Hors Normes #24
Sam Altman (OpenAI) à Paris et lève 115 millions de dollars...Hayk Mnatsakanyan, le visage de la deep tech de l'Arménie...
Et si ?
Il y a quelques jours, lors du lancement du dernier livre de Gilles Babinet (“Dieu, les hippies, et la science ont inventé Internet, aux éditions Odile Jacob), l’IA était bien sûr sur toutes les lèvres de la petite assemblée invitée pour l’occasion : “Il ne faut pas que la régulation de ces innovations, pour autant nécessaire, éclipse l’audace, une forme de folie présente chez les hippies à l’époque du premier Web ”, nous dit l’entrepreneur. Ce n’est pas Louis Pouzin, créateur des datagrammes à l’origine du protocole mondial TCP/IP et qui était aussi présent ce soir-là, qui dira le contraire !
Car c’est bien l'utopie qui inspire les inventeurs, ce sont ces paris un peu fous qui guident les forces créatrices, et les Américains, reconnaissons-le, ont cela en eux.
Alors, où est la folie en Europe? Où sont ces âmes convaincues de l’impossible dont nous avons tant besoin pour bâtir un imaginaire collectif, où l’innovation est au service du progrès, et non l’inverse ? Eh bien ils sont là, autour de nous, parmi nous. Mais ils se cachent. Beaucoup sont encore discrets. À commencer par Hayk Mnatsakanyan, ce jeune trentenaire qui a fait la guerre (la vraie) en Arménie et qui, après 10 ans passé à étudier en Europe, a eu un vrai coup de foudre pour les thèses de Louis Pouzin, l’un des pères français de l’Internet. Revenu à Erevan, il lance sa propre startup et parcourt les campagnes pour convaincre d’autres jeunes à lancer leur projet.
Au-delà de vous informer de ce qui se passe dans le monde, Hors Normes se donne cette mission : aller chercher les “nouveaux hippies” partout où ils se trouvent, former une communauté éclairée pour répondre à cette simple question… “Et si ?” - MM
Hayk Mnatsakanyan, le visage de la Deep Tech en Arménie
Ancienne “Silicon Valley” de l’ère soviétique, l'Arménie est le pays d’origine de ce trentenaire engagé et francophile. Il sera le correspondant-entrepreneur à Erevan pour Hors Normes.
“ Une boîte de New York est venu pour nous racheter avec une très belle somme, quelques mois après le lancement de rBlox. J’ai dit à l’équipe : il faut qu’on réfléchisse et qu’on décide. Dans un an, qu’est ce qu’on pourrait regretter le plus ? D’avoir manqué l’opportunité d’être riche ? Ou de regretter de contribuer à créer une force pour notre pays? On a tous décidé de refuser la proposition”.
Le jeune entrepreneur Hayk ne joue pas aux échecs, comme beaucoup d’Arméniens. Mais il pourrait facilement battre un adversaire. Hayk est né dans ce pays qui a connu plusieurs guerres, et qu’il a dû faire, malgré lui. Parti à l’âge de 8 ans étudier à l’étranger en France et en Suisse, il est revenu à 18 ans à Erevan : “ L’Arménie, c’est le pays de la création. Nous avons connu un pic de l’innovation qui date des années 50. L’Arménie était le hub technologique et mathématique de l’empire soviétique. L’Institut Mergelyan, du nom de ce grand mathématicien arménien, a vu sortir le premier ordinateur et la première imprimante en Russie”. Ingénieurs et développeurs prolifèrent, montent des startups, et l’Europe commence tout juste à s’y intéresser: “ Le groupe Thales vient de nous lister dans un programme spécial”, précise Hayk.
rBlox, la jeune société qu’il a co-fondée, est un projet né de sa rencontre avec Louis Pouzin, par l’intermédiaire de business angels. Il s’imprègne des travaux de RINA (Recursive Internetwork Architecture), une nouvelle architecture Internet développée par Louis Pouzin et l’Américain John Day, tous deux pionniers de l’Internet et du réseau Cyclades, à l’origine du protocole TCP/IP, qu’ils jugent trop vulnérable. Hayk a vu des lumières s’allumer : “J’ai compris que Louis Pouzin amenait l’idée d’un nouveau protocole plus sécurisé que l’Internet d’aujourd’hui, plus frugal, et c’est exactement ce dont on a besoin aujourd’hui”. Difficile en effet de ne pas prendre au sérieux la théorie schématique de Louis Pouzin, qui a inspiré la DARPA… Quelques mois plus tard et avec le soutien de plusieurs organisations militant pour un Internet souverain, Hayk inaugure, en présence de Pouzin, RINArmenia, le centre névralgique de recherche autour de ce nouvel Internet. Mais malgré les travaux partagés de plusieurs laboratoires du monde, l’enjeu n’est pas suffisamment soutenu, et les financements manquent.
Pour Hayk, peu importe, ce sera rBlox, une startup de la “deep tech” qui reprend une partie du protocole de Pouzin et Day, qui doit permettre aux datacenters d’optimiser et mieux sécuriser les données. Elle promet d’économiser 10% d’énergie, de baisser de 45% l’utilisation de composants, et d’accélérer de 30% les flux de transaction.
Le jeune entrepreneur vit en alternance entre Paris et Erevan, et prend, malgré un agenda chargé, le temps de partir à la rencontre des jeunes de son pays. Très investi dans le secteur associatif, il sait que d’autres jeunes, dans les campagnes arméniennes, ont aussi des idées pleins la tête pour résoudre des problèmes. “Hayk m’impressionne”, dit son frère Gevorg, lui aussi entrepreneur dans la musique. Les deux frères, qui ont porté les armes il y a quelques années, ont la même soif d’en découdre, avec un sourire quasi permanent. La relève des grands innovateurs arméniens de l’ère soviétique semble assurée.
Les News
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Nvidia entre dans le Club des sociétés valorisées plus de 1000 milliards de dollars
Le designer américain de composants Nvidia entre dans le club fermé des super-puissances valorisées 1 milliard de dollars, et côtoie désormais Amazon et Apple, Microsoft et Google Alphabet.
L’action Nvidia a augmenté de près de 160 % en une seule année. Jeudi dernier, elle a pu engranger 183,8 milliards de dollars, la positionnant à la troisième plus importante jamais enregistrée pour une entreprise américaine, portent son capital à plus de 938 milliards de dollars.
Profitant largement du contexte de la demande en micro-processeurs liée à l’explosion des applications d’intelligence artificielle, Nvidia est l’acteur-clé du moment. Le Wall Street Journal évoque un achat des puces Nvidia par le principal institut chinois de recherche sur les armes nucléaires, malgré son placement sur une liste noire des exportations américaines en 1997.
Dans le cadre du Chip Act de l’administration Biden, Nvidia a proposé une version alternative de sa carte graphique (GPU) pour pouvoir continuer à exporter en Chine.
Sam Altman en tournée à Paris
Sam Altman, le fondateur d’OpenAI (ChatGPT), est en Europe pour faire une tournée auprès de ministres, de présidents et d’officiels. On notera qu’il est très nouveau qu’un fondateur de ce que l’on pourrait considérer comme un “Gafam”, ou en passe de le devenir, mène lui-même une opération d’affaires publiques. L’Histoire montre que Facebook, Google ou Amazon aient, en premier lieu, ouvert un bureau avec des émissaires juridiques et légaux pour ouvrir leur marché. La régulation sur l’IA, certes le motif de cette visite, ne doit pas masquer les ambitions de l’entrepreneur-investisseur aux 100 participations dans des entreprises de biotechnologies, de fusion nucléaire, de blockchain et autres technologies qui implémentent de près ou de loin… l’intelligence artificielle.
Quelques citations d’Altman pendant la conférence organisée ce vendredi 26 mai à Station F, l’incubateur de Xavier Niel pilotée par Roxanne Varza et introduite par Jean-Noël Barrot, le secrétaire d’Etat au Numérique:
“Nous devons être régulés. Nous (l’IA, nldr) est une technologie puissante, aussi puissante que le nucléaire”
“La régulation doit s’appliquer sur la sécurité et sur un modèle de licence”.
“Notre mission est de maximiser l’IA à l’échelle mondiale, et nous ne sommes pas opposés aux modèles open-source. Il y a de la place pour d’autres modèles.”
“La peur est humaine. Je ne peux pas formuler de réponse sur les dangers de l’IA. Celui qui peut répondre aujourd’hui est bien naïf. Cette technologie va évoluer…”
SPATIAL
Corée du Nord : lancement prochain d’un satellite militaire ?
Le régime nord-coréen de Kim Jong Un est sur le point de lancer bientôt son premier satellite de reconnaissance militaire, indique le Wall Street Journal. La Corée du Sud a elle déjà un coup d’avance : jeudi, elle a lancé pour la première fois plusieurs satellites commerciaux aux moyens de sa fusée locale.
Le spatial est sous haute tension, il est l’objet d’une bataille de surveillance et d’informations stratégiques: la Chine cherche à déployer son propre réseau de satellites d’orbite basse, à l’instar de Startlink, l’entreprise d’Elon Musk, qui s’est avérée très utile au début de l’invasion de l’Ukraine.
CRYPTOWORLD
Sam Altman lève 115 milliards de dollars pour Tools For Humanity
“Tools For Humanity is a technology company built to ensure a more just economic system”, voici ce qu’on peut lire sur la très sobre page d’accueil du site Tools For Humanity, un projet co-fondé par Sam Altman, créateur d’OpenAI et de ChatGPT. En pleine crise d’investissement dans le secteur des cryptomonnaies, il s’agit d’un petit tour de force que de lever 115 millions de dollars auprès de 9 fonds d’investissement. Sam Altman, qui a investi dans pas moins de 100 projets selon le site Crunchbase, mise ici sur le WorldCoin, un protocole open source décentralisé, lui-même basé sur un système d’identification de l’iris de l’oeil et sur la production de tokens, des jetons numériques. WorldCoin attirerait déjà 2 millions d’adeptes selon la société.
ÉNERGIE
Les USA et l’Australie signent un pacte sur les minéraux
Lors du sommet du G7 au Japon, les deux pays ont signé un accord bilatéral de coopération sur certains matériaux jugés critiques, en faveur de la transition énergétique. Le Compact (Climate, Critical Minerals and Clean Energy Transformation) est destiné à partager les coûts de production et de traitement de matériaux comme le cuivre, le lithium, le nickel, le cobalt et d’autres terres rares. L’Australie dispose en effets de vastes zones riches en ressources naturelles.
Apple : des jobs par dizaines de milliers en Inde
La photo est assez étonnante: des centaines d’employés indiens debout ou assis sur de simples tables en bois, stylos à la main, pour signer un contrat. Foxconn, Salcomp ou Pegatron, les fournisseurs d’Apple, organisent tous les samedis de gigantesques sessions de “job dating” pour remplir l’objectif de recruter massivement ses ouvriers. La firme à la pomme externalise un tiers de sa production en Inde aujourd’hui. 100 000 emplois sont déjà prévus pour les premières lignes de production.