🇪🇺 IA Act européen : le match inattendu Breton-Macron
Mais que se passe-t-il entre Paris et Bruxelles ? Alors que l’Europe vient de voter un texte provisoire sur un encadrement des technologies d’intelligence artificielle, Thierry Breton s’est vu obligé de publier une tribune dans le quotidien Le Monde titrée : « L’IA Act n’entrave aucunement la révolution en mouvement de l’intelligence artificielle », et ce cinq jours après les déclarations d’Emmanuel Macron. Le Président français a en effet contredit les ambitions du plan Breton en laissant entendre que trop de régulation tue l’innovation. Thierry Breton répond dans son texte « non, l’IA Act n’entrave aucunement la révolution en mouvement de l’intelligence artificielle. Il crée, au contraire, un environnement propice à son épanouissement ».
Agenda : Ce match de punchlines arrive en plein audit sein du camp présidentiel pour nommer un candidat aux prochaines élections européennes de juin 2024. Thierry Breton était jusqu’à tout récemment un candidat favori…
🇺🇸 Palantir confronté à la souveraineté européenne
La société co-fondée par Peter Thiel et dirigée par Alex Karp, avait espéré que la guerre en Ukraine débouchent sur des signatures de contrat : il n’en est rien. Palantir, qui fournit des outils d’analyses de données avancées, va même jusqu’à anticiper un conflit de haute intensité à Taïwan pour prévoir des leviers de croissance.
Bloomberg nous apprend entre autres que le 2 décembre dernier lors d’un discours à la Fondation Ronald Reagan, Alex Karp, a vivement critiqué les gouvernements européens, en particulier la France : « Ils font des investissements énormes dans la tech, je les exhorte à travailler avec nous, mais cela ne change rien. C’est insensé », a -t-il déploré. Et pour cause, la France, après de très vives critiques sur Palantir, a conçu elle-même son logiciel, un équivalent de Gotham, un produit de Palantir conçu pour la sphère policière et militaire. La réputation de Palantir a longtemps défrayé la chronique : la société en partie financée par la CIA après les attentats du 11 septembre 2001, propose des logiciels de “gestion prédictive de l'ordre public” pour des entreprises privées, mais aussi des services gouvernementaux.
Seule avancée récente pour Palantir : Fabrice Brégier, le patron de Palantir France, est entré en avril dernier au conseil d’administration du leader français de l’aéronautique et de défense Safran.
En toile de fond de la guerre en Ukraine, la souveraineté européenne semble être un frein sérieux pour les acteurs technologiques de la défense et de la sécurité : l’OTAN a créé cette année un fonds d’un milliard d’euros pour soutenir les startups européennes de la défense.
🇮🇩 Indonésie : TikTok a trouvé la parade pour sauver ses parts de marché
TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance, vient d’investir 1,5 milliard de dollars dans le groupe e-commerce GotTo/Tokopedia. Cette participation majoritaire dans Tokopedia intervient deux mois après l’interdiction de TikTok Shop par les autorités du pays. L’activité de live-shopping TikTok, lancée dans ce pays qui compte 125 millions utilisateurs de l’application chinoise, va donc pouvoir reprendre, face à la concurrence jusque là dominée par Tokopedia, Shopee et Lazada. L’Indonésie est le 2ème plus gros marché de TikTok, après les USA.
🇬🇧 Le deal Microsoft-OpenAI dans l’oeil des gendarmes de la concurrence
La nouvelle est passée presque inaperçue, et pourtant elle est intervenue le même jour que l’annonce de l’IA Act européen, vendredi 8 décembre. La Grande-Bretagne lance un préalable à une enquête sur les liens qu’entretiennent Microsoft et OpenAI, éditeur de ChatGPT.
→ Rappel des faits : En 2019, Microsoft investit 13 milliards de dollars dans la société fondée par Sam Altman, essentiellement en apports industriels et capacités d’infrastructure de son offre Cloud, Microsoft Azure. Après la crise de gouvernance qui a débouché sur un licenciement de Sam Altman, embauché par Satya Nadella, revenu quelques jours plus tard aux manettes d’OpenAI, Microsoft obtient un siège au conseil d’administration sans droit de vote de la société à but lucratif, la holding OpenAI. Dès cette année, Microsoft a intégré la technologie d'OpenAI dans ses produits, notamment son logiciel Office Workplace, son moteur de recherche Bing et sa plateforme de code GitHub.
→ Ce qui motive la CMA anglaise (Competition and Markets Authority) à recueillir les avis des personnes du secteur, c’est le soupçon d’un monopole sur le marché de l’intelligence artificielle, en plein boom depuis la sortie de l’application d’IA générative, ChatGPT en novembre 2022.
Pour rappel, la CMA britannique s’était opposée cette année au rachat du géant des jeux vidéo Activision Blizzard par Microsoft, pour 75 milliards de dollars, qui a mis plus de 21 mois à concrétiser l’opération.
🇳🇱 ASML est désormais dirigée par le Français Christophe Fouquet…
Le géant des semi-conducteurs ASML, une entreprise-clé de l’industrie des semi-conducteurs basée aux Pays-Bas, change sa gouvernance : Christophe Fouquet, un Français qui a passé 15 ans dans l’entreprise, se voit confier les rênes de ce leader mondial. Il prendra le relais de l’actuel CEO Peter Wennink à partir du mois d’avril prochain. Martin van den Brink, Chief Technology Officer de la société, partira aussi au printemps. C’est donc pour ASML un nouveau tournant, alors que la société est au coeur de multiples rivalités; concurrentielles d’abord de part ses liens avec l’écosystème. Géopolitiques ensuite avec la politique de sanctions américaines vis-à-vis de la Chine, qui rejaillit sur son gouvernement de tutelle, les Pays-Bas. En juin dernier, la société s’était vue imposer de ne pas commercialiser certaines de ses technologies de pointe, notamment à des fins militaires.
🇰🇷 …Et fait alliance avec le président sud-coréen Yoon Suk Yeol
C’est après une visite de plusieurs jours aux Pays-Bas que Yoon Suk Yeol, le Président de la Corée Sud, a annoncé la construction d’une usine de puces avancées avec ASML. L’entreprise néerlandaise, spécialiste unique au monde de la photolithographie, va investir 760 millions de dollars pour arriver à l’objectif de Samsung : fabriquer des puces encore plus petites, proches de 2 nanomètres en 2025 comme annoncé en juin dernier.
Il s’agit donc de maintenir le leadership du “fleuron” Samsung, 2ème plus gros fabricant de puces après le taïwanais TSMC et l’américain Intel. Sans le savoir-faire en photolithographie d’AMSL, aucune de ces sociétés de l’industrie des semi-conducteurs ne pourraient s’imposer sur un marché dont la demande explose, notamment due aux applications d’intelligence artificielle.
La chronique de Pierre Haski cette semaine :