Hors Normes #40
Elon Musk va-t-il percuter le marché des télécoms ?... Ces entreprises qui recrutent en Ukraine...
Elon Musk va-t-il percuter le marché des télécoms avec son réseau « Direct To cell » ?
L’annonce de Starlink le 3 janvier dernier d’une offre de réseau mobile par satellite (« Direct To cell ») réveille les fantasmes les plus fous : « Starlink va tuer l’industrie des opérateurs télécoms ». « Elon Musk est en train de construire le futur opérateur mobile planétaire qui connectera tous les endroits du globe », lit-on sur les réseaux.
L’objectif de Starlink est donc de délivrer une liaison par satellite directement sur un smartphone, sans passer par les antennes au sol. Et surtout, d’apporter du réseau dans les régions les plus reculées du globe, les fameuses zones blanches.
Cette promesse est-elle crédible ? Loin de douter de l’intrépidité d’Elon Musk, qui a réussi à percuter le marché du spatial et de l’automobile, commençons d’abord par analyser l’Histoire. Starlink n’est pas le premier à vouloir créer une liaison directe de téléphonie mobile par satellite. Souvenons-nous de Motorola, qui en 1991, avait lancé Iridium pour bâtir une constellation de 77 satellites. L’opération s’est avérée être un échec : en 1999, la société dépose le bilan. En cause, l’expansion euphorisante des réseaux terrestres cellulaires à large échelle, et pour un usage unique : fournir du réseau pour transmettre de la voix, du texte et de l’image, faisant baisser les coûts de connectivité en profitant du taux croissant d’équipement en téléphones mobiles. Depuis, Iridium s’est recentré sur des usages spécifiques, pour des applications civiles (maritimes, transport, informatique) et militaires.
Trente ans après le rêve de Motorola, Elon Musk compte remettre le couvert en profitant de son leadership pour le moment indiscutable dans le spatial (SpaceX) et ses applications réseau (Starlink).
Comment va-t-il passer les étapes pour parvenir à disrupter une industrie pesant près de 192 milliards de dollars aux USA en 2023 ? Le réseau satellitaire est-il aussi performant que le réseau terrestre pour connecter les milliards de potentiels abonnés ?
→ Pour le comprendre, nous demandons l’avis de deux experts techniques en radio et télécommunications :
Christophe Fourtet, fondateur du réseau bas débit Sigfox :
C.F : Starlink conçoit des plateformes satellitaires, et l’approche commerciale derrière cette annonce est plutôt bonne : le réseau fournit une liaison de type NB IoT (Narrow Band, bas débit), et il y a en effet des cas usages. Mais Starlink se positionne pour faire de la téléphonie, notamment dans des zones reculées. Or, il n’y a pas de fréquences spatiales accordées par le 3GPP, le consortium multi-pays et multi-instances qui normalise les fréquences de téléphonie mobiles. Elon Musk va donc devoir négocier avec tous les pays où il souhaite pointer un satellite. D’où l’annonce d’une sortie de l’offre en 2025 car il y a fort à parier que cela va prendre du temps… Je vois d’abord dans ce projet de réseau satellite mobile une contrainte de règlementation.
Par ailleurs, le réseau satellite Starlink fonctionne plutôt bien, mais il a été saturé par les Ukrainiens, et le réseau a dû descendre les capacités de son système. Dans le domaine du satellite, il y a des contraintes réelles. Le satellite n’est pas conçu pour faire la même chose que le réseau cellulaire terrestre, ce que j’appelle le “multi-points”, compatible avec des réseaux au sol et des récepteurs. Le réseau satellite est très bien conçu pour faire du broadcast, mais il n’est pas fait pour répondre à une demande de connectivité globale.
A l’opposé, dans l’univers du cellulaire terrestre, on doit compter environ un milliard de stations de base dans le monde, sans compter les box Internet. Chaque opérateur en France a plusieurs centaines de milliers de points d’accès. Ce n’est pas pour rien qu’on interdit de téléphoner dans un avion, ou depuis un point en haute montagne : ça met le bazar dans les réseaux de fréquences…
Je pense donc qu’à terme, le 3GPP accordera des fréquences spatiales pour la téléphonie, mais probablement pour des usages nécessitant certaines fréquences et dans des zones éloignées des côtes.
Gael Musquet, hacker éthique et spécialiste de la prévention des catastrophes naturelles
G.M: L’annonce de Starlink est une bonne nouvelle pour les services d’urgence et de secours. Et aussi pour les zones maritimes, forestières, montagneuses fortement isolées.
En revanche, quand on regarde l’annonce initiale d’Elon Musk, on est très loin des performances des réseaux radio cellulaires terrestres : 7MegaBits par faisceau qui couvre chacun une large zone, et des téléphones qui n’émettent pas de manière directive. Il faudra espérer à minima des SMS et des applications très bas débit…
Par ailleurs, je vois plusieurs risques liés aux ambitions d’Elon Musk sur le satellite. Le premier est environnemental : une constellation de plus de 3500 satellites qui demandent une énergie phénoménale au lancement, la pollution lumineuse et les débris spatiaux, les risques de collision. Sans oublier les autres constellations comme OneWeb, Kuiper, et celles des Chinois sont déjà en course.
L’autre risque est politique et souverain, car lié aux changements d'humeur d'Elon Musk, qui n’hésite pas à modifier les conditions d'accès en fonction de ses avis politiques… Et quand son réseau, américain, devient la colonne vertébrale de la connectivité de nos régions rurales, montagneuses, nos navires stratégiques, nos hôpitaux en Guyane, ça me dérange…
Un tour des News
🇷🇺 L’Ukraine est parvenu à paralyser le service des impôts en Russie
Les services de renseignement et de défense ukrainiens (GUR) ont paralysé, le 12 décembre dernier, la totalité du système de collecte des impôts russes, comme le dit le site officiel du GUR, et reporté par le site d’information Meduza. Des pirates ont réussi à s'introduire dans l'un des serveurs centraux du FNS (Federal Taxation Service), permettant ainsi aux agents des services spéciaux d'accéder à plus de 2 000 serveurs régionaux. Une société informatique russe qui servait de base de données au FNS aurait également été touchée par l'attaque, selon les renseignements ukrainiens. L’ambassade d’Ukraine en France confirme cette opération de cyber offensive.
L’unité du GUR avait déjà réussi une opération du même type le mois dernier contre la compagnie d’aviation Rosaviatsia. «Un grand volume de documents confidentiels de la subdivision structurelle du ministère russe des Transports - l'Agence fédérale du transport aérien (Rosaviatsia) - a été acquis», indiquent les services de renseignement.
🏁🇨🇳 BYD double Tesla
Le Chinois BYD vient de dépasser Tesla pour la première fois, fin décembre 2023, avec plus de 500 000 véhicules vendues. Lire la dernière chronique de Pierre Haski à ce sujet.
🇺🇦 Un job en temps de guerre : ces entreprises qui recrutent en Ukraine
Alors que l’Ukraine subit un nouveau déluge de bombes russes, les entreprises continuent de recruter dans le pays en guerre. C’est le cas de l’éditeur de jeux vidéo français Gameloft, qui recrute plusieurs profils à Kharkiv, comme on le voit dans cette offre d’emploi pour un poste de Game Economy designer. Le géant Nestlé, ou encore le service de livraison de nourriture Glovo sont aussi présents sur le marché de l’emploi en Ukraine, aux côtés de nombreux médias indépendants et de très petites entreprises. L’Ukraine comptait, avant la guerre, près de 2000 startups dans son écosystème selon Dealroom.
Sur Linkedin, près de 11 000 offres d’emploi sont actuellement en ligne, pour des postes majoritairement hybrides, et en présentiel dans plusieurs villes comme à Kiev et à Kharkiv.