Hors Normes #6
Pour prendre un taxi demandez à Xi Jinping...Le Debunking quantique d'Olivier Ezratty...Non à l'AGI...
Pour prendre un taxi en Chine, demandez à Xi Jinping !
La chronique de Pierre Haski
Tous les « China watchers » guettent les signaux : la remise au pas du secteur de la tech chinoise est-elle terminée ? Le gouvernement de Pékin l’a laissé entendre, et a multiplié les signes comme l’autorisation donnée au groupe financier Ant de faire son introduction en Bourse après l’effacement de son dirigeant emblématique Jack Ma… Pour rassurer le monde, et en particulier les investisseurs un peu affolés par la gestion chaotique du Covid par un leadership chinois imprévisible, Pékin a également envoyé à Davos son visage le plus présentable : le vénérable Liu He, vice-premier ministre, mais surtout un pragmatique en économie, interlocuteur privilégié des Américains. Le message de Liu He : « China is back », comme l’a titré le « Financial Times ». Un message fort au moment où Liu He, s’apprête quant à lui à tirer sa révérence à l’occasion du début du troisième mandat de Xi Jinping en mars.
Mais tous les signaux ne sont pas à l’unisson : à la surprise générale, Pékin a annoncé le lancement par l’État d’une appli de transport, « Strong Nation Transport ». Quelques jours auparavant, pourtant, le géant Didi, dont l’appli de VTC et de taxis a tellement bien réussi qu’elle a terrassé Uber, avait reçu l’autorisation de prendre de nouveaux abonnés après des mois de gel décrété par l’administration – et après avoir payé une amende d’1 milliard de dollars. Alors pourquoi l’État juge-t-il nécessaire de créer un concurrent public à Didi, après lui avoir donné le feu vert ? Officiellement, c’est pour remettre de l’ordre dans un secteur où la gestion des données a été déficiente. Mais il suffisait de remettre au pas Didi, ce qui fut fait… Pour ajouter au mystère, il a été annoncé que l’accès à la nouvelle appli serait d’abord réservé aux 97 millions de membres du Parti communiste chinois qui ont téléchargé l’appli sur la pensée de Xi Jinping ! Donc pour demander un taxi, il suffira de demander à « l’oncle Xi » !
Plus sérieusement, le gouvernement de Pékin va devoir clarifier sa position assez vite, car il ne peut pas dire que la période de « rectification » du secteur de la tech est terminée quand il force Alibaba et Tencent, les deux géants du secteur, à donner des « golden shares » à l’État, et fausse la concurrence dans un secteur jusque-là concédé au privé, celui des VTC. De quoi conforter la méfiance d’une partie des investisseurs étrangers, et renforcer la prudence des entrepreneurs privés chinois qui placent de plus en plus une partie de leurs avoirs à l’étranger, Singapour en particulier.
Pierre Haski est journaliste expert en relations internationales sur France Inter et à l’Obs, et Président de Reporters Sans Frontières.
Non à l’AGI !
Il s’appelle David Krueger et cette image a été prise en novembre dernier lors de l’événement NeurIPS, le grand rassemblement des professionnels de l’Intelligence artificielle aux États-Unis.
Cet activiste de l’Université de Cambridge porte un T-Shirt reprenant le logo de Nike avec ce slogan : “Just don’t build AGI”, que l’on pourrait traduire comme ceci: “Non à l’Intelligence Artificielle Généralisée”. L’AGI est un terme apparu récemment, et derrière ce slogan, David Krueger se pose en lanceur d’alerte, suivi par d’autres personnalités, y compris au sein même des GAFAM. Selon eux, l’IA va remplacer beaucoup d’emplois et dans des délais courts, très courts. Une prise de conscience réveillée par l’énorme publicité faite par OpenAI et son logiciel ChatGPT, qui a comptabilisé dans les premières heures de sa mise en service plus de 5 millions d’utilisateurs, a été banni des écoles new-yorkaises… Bref, le débat ne fait que grossir, avec en toile de fond, la question de la régulation.
News
[Semi-conducteurs] Taïwan a condamné cette semaine l’entreprise Foxconn à une amende de 329 088 millions de dollars pour avoir effectué un investissement non autorisé dans une société chinoise de puces électroniques, mais a déclaré que l'assembleur taïwanais d'iPhone avait coopéré dans l'affaire et avait donc reçu une peine moindre.
[Social Media] Nicolas Bordas, Vice président international de l’agence TBWA, interpelle Xavier Niel, Rodolphe Saada (CMA CGM) et tout investisseur de poids à rejoindre le projet Storker, un projet qui vise à créer le Twitter européen. “La raison d'être de "storker" (en référence à la cigogne) est d'offrir un réseau universel de diffusion des informations et opinions qui limite au maximum les propagation de fake news et la prolifération de trolls anonymes. Au moment où Elon Musk souhaite orienter Twitter vers une plate-forme de discussion (sur le modèle de son propre usage du service), "storker" pourrait répondre au besoin d'une plate-forme mondiale fiable de partage d'informations et d'opinions en provenance de sources et de personnes identifiées”, précise Nicolas Bordas sur le groupe LinkedIn dédié au projet.
Le debunking quantique d’Olivier Ezratty
Bataille d’investissement à coups de milliards et de dépôts de brevets, panique sur les clés de cryptage et les communications, le quantique fait énormément débat. Debunking anti-mythes avec Olivier Ezratty.
不确定因素 - Bu queding yinsu - facteurs d’incertitude
La chronique chinoise de Bruno Gensburger
Les investisseurs, les prévisionnistes et les joueurs de bonneteau ne désavoueraient certainement pas Alfred de Musset qui écrivait dans les Confessions d’un enfant du siècle que « l’incertitude est le pire des maux à supporter. » En effet, comment décider et comment agir quand il est impossible de prévoir, faute de repères lisibles ?
Ramenée à la Chine, la question de l’incertitude est immense et a des répercussions mondiales. Certes, le pays n’a jamais été tellement plus imprévisible que d’autres et beaucoup se sont accommodés de son « coefficient d’incertitude » pour y travailler. Mais si, à plus haute dose, l’incertitude peut devenir handicapante, elle peut aussi paradoxalement se révéler rassurante et libératrice lorsqu’elle s’invite à très grande échelle dans tous les recoins d’un système. L’omniprésence de l’incertitude nous conduit alors à une certitude que l’on peut résumer ainsi :
Le nombre de volontaires pour traverser un champ de mines est inversement proportionnel au nombre de mines qui s’y trouve
Depuis l’arrivée de Monsieur Onze (Mr XI), le pays s’est enferré dans des crises systémiques (sanitaires, économiques, financières, immobilières, agricoles, énergétiques, écologiques, technologiques, diplomatiques, militaires, démographiques…) qui non seulement sont porteuses d’incertitudes massives, mais qui parce qu’elles sont toutes d’un même lignage idéologique, nous font redouter l’émergence de nouveaux périls. Ainsi, même si le PCC se voulait rassurant sur sa capacité à tous les surmonter, une incertitude majeure demeurerait : quel pays, quelle entreprise, quel investisseur pourrait céder aux sirènes du PCC pour se rapprocher d’un pays qui, au mépris des conséquences planétaires pour le commerce mondial - et pour sa propre survie -, se dit prêt à s’engager dans un avenir indéterminé dans une aventure militaire pour récupérer Taiwan ? Que les volontaires lèvent le doigt !
Bruno Gensburger est interprète de conférence en mandarin et conseiller en diplomatie des affaires.