Oubliée la crise de Taïwan, la guerre des tarifs de Trump, le blocus des terres rares, le RGPD, les ingérences étrangères, les attaques cyber, Palantir, etc…
Au 9ème grand salon VivaTech, l’intelligence artificielle semble avoir réconcilié tout le monde : l’IA est l’objet des annonces et des alliances les plus folles. Porte de Versailles à Paris, OpenAI côtoyait volontiers le chinois Tencent, le pavillon du Canada est plus grand que celui de Microsoft (juste à côté), et Nvidia, coté au Nasdaq, souffle le Mistral de la France, en même temps qu’il produit une puce spéciale pour la Chine.
A l’issue de quatre jours de salon, et malgré l’emploi à tout-va du mot souveraineté, rien ne transparaissait ici de la lutte qui se joue depuis plusieurs années sur les semi-conducteurs de pointe, sujet hautement stratégique.
La géographie des lieux - des milliers de stands et de bureaux confidentiels - était le symbole d’une mondialisation heureuse, à condition qu’elle soit encore possible.
Continuum de ChooseFrance
Énième temps fort d’un agenda bien précis, VivaTech aura rassemblé les grands acteurs de la Tech : à commencer par Jensen Huang (Nvidia), Young Liu, le CEO de Foxconn (la société taïwanaise qui produit les iPhones d’Apple), qui a rencontré la Ministre Clara Chappaz hier, la veille de sa rencontre avec Peng Xiao, le CEO de G42, une société IA basée aux Emirats arabes unis. Quelques mois après le Sommet sur l’IA et ChooseFrance, pour attirer les capitaux étrangers, Paris travaille d’arrache-pied et déploie les grands moyens, notamment pour supplanter son “concurrent” : Londres. Emmanuel Macron ne pouvait que remonter très vite du Sommet sur les océans à Nice pour passer les messages, et favoriser les grands business, en commençant par l’achat de composants stratégiques, aussi stratégiques que le sont les métaux ou le gaz.
Data centers et chaîne de valeur industrielle
Car l’industrie IA, ce n’est pas seulement de grands modèles mathématiques et des processeurs GPU (Graphics Processing Unit). L’enjeu d’attirer les capitaux étrangers et les grandes entreprises mondiales réside aussi dans les infrastructures (bâtiment, réseaux telecoms…), la fourniture d’énergie, la maintenance des sites physiques et virtuels, et l’approvisionnement en équipements.
Souvenons-nous qu’en février dernier, lors du Sommet sur l’intelligence artificielle, l’Américain Prologis, avait annoncé un investissement de 6,4 milliards d’euros pour la construction de quatre giga data centers géants. Le fonds canadien Brookfield avait quant à lui annoncé 15 milliards d’euros d’investissements pour mettre en route une giga usine à données à Cambrai (Nord), dont la puissance maximale attendue sera de 1 gigawatt, soit la consommation électrique d’une ville d’1 million d’habitants. 300 data centers tournent actuellement en France, et 35 sont en cours de construction.
Pour des entreprises comme Siemens et Legrand, les efforts de l’Elysée pour dynamiser le secteur IA seront certainement bienvenus. D’autant bienvenus que les d’investissements en provenance de pays riches comme les Emirats pourraient avoir d’autres effets de levier.
Une période d’entre-deux qui rappelle celle des « Les Globalistes», un courant de pensée qui a précédé la mondialisation et le mouvement néolibéraliste, comme l’écrivait l'historien canadien Quinn Slobodian dans un ouvrage paru en 2022. Il faudra encore un peu d’histoire avant de pouvoir dire si l’économie de l’IA mène à autre chose…
Coulisses de VivaTech
Un dîner de travail… à 200 convives
Le Président Macron a organisé jeudi soir un dîner de travail, sans préciser l’ordre du jour, mais baptisé “Choose France and Europe For Tech”. “Nous étions 200 autour de la table, donc autant vous dire que la réunion de travail n’a pas été facile… C’était plus du genre chacun lève la main pour poser une question et fait sa reco“, confie un haut dirigeant qui était présent à l’Elysée, aux côtés de Jensen Huang, Arthur Mensch (Mistral AI) Eric Schmitt (ex- Google) et une palanquée d’investisseurs et de décideurs politiques. Sans oublier Maurice Lévy de Publicis.
Google se la joue Apple
Pas de stand pour Google cette année à VivaTech. C’est la deuxième année consécutive que le géant de Mountain View n’achète pas de m2 de à Paris. A l’instar d’Apple qui n’a jamais exposé sur un Salon, Google jouerait-il le même ghost-marketing ou est-ce une diète budgétaire ? “ Nous sommes présents sur les stands de nos partenaires”, confie un ingénieur de Google, qui avoue tout de même qu’il aurait bien aimé avoir un stand de démo pour les dernières versions de Gemini, son outil d’IA générative texte et vidéo.
Charles Beigbeder en pleine rupture
DeepTech, defenseTech, quantique, l’investisseur Charles Beigbeder investit beaucoup dans les innovations de rupture. Il est notamment partie prenante de Sorbonne Ventures, un Fonds deeptech créé en 2023, et Quantonation, un fonds dédié qui a levé 70 millions d’euros en 2024. Une somme plutôt moyenne pour une technologie de rupture. Mais c’est un début…