Bonjour,
L’actualité en Iran démontre une capacité militaire indéniable de la part d’Israël et des Etats-Unis pour cibler les sites nucléaires d’un pays d’une superficie d’1,648 millions de kilomètres carrés, pour 90 millions d’habitants.
Ce qui interroge dans cette séquence, c’est la face cachée de la guerre menée sur les réseaux, physiques et virtuels, dans un pays qui contrôle tout son espace numérique depuis plus de 15 ans.
Comment l’Iran, qui a construit l’une des infrastructures Internet les plus sophistiquées et les plus autoritaires du monde, résiste-t-il aux attaques d’Israël et des USA ? La guerre renforce-t-elle la censure numérique en Iran ?
Dans cet article :
Le réseau Internet iranien et ses spécificités
Opération Rising Lion : l’Internet souverain iranien à l’épreuve de la guerre
Entretien avec un membre de Project Ainita, une ONG spécialisée dans la lutte contre la censure numérique en Iran
L’instrument de pouvoir au service des autocraties se nomme le Splinternet, ou l’orchestration des moyens de communications terrestres et spatiaux à des fins extrêmes de contrôle et de censure. Aux côtés de la Chine et de la Russie qui ont bâti une infrastructure Internet nationale, l’Iran a développé sa propre doctrine numérique comme enjeu de sécurité nationale. Après les protestations de 2009 qui ont eu lieu dans tout le pays contre l’élection du Président Mahmoud Ahmadinejad, l’Iran a initié une première coupure du réseau Internet : guichets bancaires ATM bloqués (ATM pour automated teller machine), communications entre ambassades interrompues, services gouvernementaux en ligne inaccessibles, sites e-commerce offline.

Ce premier blocage a servi de ballon d’essai pour bâtir un projet plus sophistiqué appelé NIN, pour National Information Network, qui impliquait de repenser l’architecture d’un Internet souverain iranien, de la production hardware à la mise en service software. Le gouvernement iranien a ainsi démarré la production de ses propres smartphones et un service de messagerie capable de toucher 50 millions d’utilisateurs actifs.
Digital Border Control
La doctrine technique nationale iranienne, dans la lignée d’une politique durcie par les sanctions internationales, a posé les bases d’un contrôle très strict des communications vers l’extérieur, depuis l’usage de réseaux privés virtuels (VPN), jusqu’aux services digitaux professionnels pilotés par les autorités iraniennes demandant à tout fournisseur de se conformer à l’usage de services proprement domestiques. Tout équipement, tout service branché au National Information Network était déjà dûment authentifié par des certificats pour utiliser les services de protocoles de sécurité, notamment le SSL (Secure Sockets Layer), un protocole global de sécurisation des échanges sur Internet.
L’Iran a également limité la bande passante Internet (connexion IP) vers les terminaux, et en forçant les entreprises à localiser leurs services vers les data centers du pays, notamment par des moyens de coercition économique.
En juillet 2021, dans son plan national de modernisation, l’Iran va plus loin et décide de faire confier ses « frontières numériques » à l’armée. Baptisé Digital Border Control, le plan oblige alors toute plateforme ou tout opérateur étranger à avoir un représentant dans le pays, recevant une licence spéciale d’autorisation d’opérer en Iran. Le trafic de données étranger ne doit pas dépasser 30 % du trafic réseau total et les fabricants de téléphones mobiles étrangers doivent pré-installer un ensemble d'applications non supprimables pour recevoir une licence d'importation dans le pays.
Surveillance massive mobile
Seulement 15% des Iraniens disposent de l’Internet filaire, mais l’on recense près de 2 millions de cartes SIM par personne en Iran. Le réseau Internet mobile est donc dominant, plus centralisé que l’Internet domestique, et favorise le contrôle des communications par les autorités iraniennes.
Dans sa logique de contrôle de sa population, l’Internet mobile va jouer un rôle majeur. Toujours en 2009, après les protestations du mouvement The Iranian Green Movement,
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