Rénlèi mìngyùn gòngtóngtǐ - 人类命运共同体
Au commencement était le Schicksalsgemeinschaft (à vos souhaits !) ou communauté de destin. Tout d’abord apparu en 1936 chez Alois Carl Hudal, théologien catholique autrichien, ce concept a trouvé une nouvelle vie en octobre 2017, quand l’idée de communauté de destin pour l’humanité a été enchâssée dans les Statuts du Parti communiste chinois (PCC), puis dans la préface de la Constitution chinoise en mars 2018. Désormais partie intégrante de la Pensée XI Jinping, elle est, selon la phraséologie chinoise, un mode de gouvernance mondiale, enraciné dans la culture chinoise, voué à résoudre les problèmes qu’aucun pays n’est capable de résoudre seul, grâce à la coopération gagnant-gagnant.
Bien sûr, le corollaire de cette généreuse idée toujours d’actualité, est : quoi de plus enviable pour tous les pays du monde que de lier leur sort au nôtre ? C’est vrai, quoi ! En 40 ans, nous sommes devenus la 2e économie mondiale. Riches, craints et respectés, notre outil industriel et notre armée sont formidables. Nous construisons des infrastructures dans le monde entier. Nous sommes bons avec ceux qui nous soutiennent. L’ordre règne partout où on a osé nous résister : le Tibet, Hongkong, le Xinjiang… et bientôt Taiwan ? Venez partager notre recette, et plus, si affinités.
Mais les dirigeants chinois perçoivent-ils seulement le décalage de ce slogan vis-à-vis d’une partie grandissante du monde ? Floue, ambigüe et inquiétante, pour beaucoup, cette communauté de destin s’est surtout résumée à trois choses : le Covid pour tous, l’économie mondiale à l’arrêt et plus de 6,8 millions de morts (source OMS) à cause d’une gouvernance autoritaire, opaque, brutale, absurde, et surtout inefficace. Les plaisanteries les meilleures sont les plus courtes…
En trois ans, le monde et sa perception de la Chine ont changé, mais pas la rhétorique officielle chinoise.
Bruno Gensburger est interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.