新常态 - Xīn chángtài
On a beau se dire que la politique chinoise, c’est comme les nerfs d’une femme ou la météo*, on n’y comprend pas grand-chose, il y a certaines questions dont on ne peut pas faire l’économie. Surtout à l’heure de l’ouverture des « Deux Assemblées** ».
Ainsi, qui sait vraiment pourquoi et comment le PCC a décidé d’abroger du jour au lendemain les restrictions sanitaires qui ont étouffé le pays pendant trois ans ? Etonnant, non… ? dirait Desproges.
Hélas, le caractère opaque et déclamatoire de la communication gouvernementale chinoise ne nous laisse que des suppositions*** à nous mettre sous la dent.
Une certitude, cependant : cette volte-face n’a été ni mûrie, ni pesée, ni organisée, pas plus sur le plan sanitaire, qu’économique, politique ou idéologique. Aucun signe, aucune mesure ne l’a laissée présager et le monde entier, y compris les Chinois, a été pris à contrepied.
Seule une réaction de panique du sommet de l’Etat peut expliquer un tel revirement. Dépourvu de plan B, car idéologiquement inconcevable sous peine d’ennuis sérieux pour son initiateur, le régime, dans un réflexe de survie, a immédiatement étouffé l’étincelle qui menaçait d’enflammer la plaine, suite à l’ampleur de la colère et des manifestations surgies dans tout le pays. Ainsi, la stupeur indignée de cocu du peuple chinois découvrant sur ses écrans les tribunes bondées de supporters sans masque au Mondial au Qatar, a suffi débrancher la politique zéro-Covid sans la moindre nuance ni étape intermédiaire, avec les conséquences sanitaires que l’on sait.
Alors que nous devrions nous réjouir de ce subit retour à la normale, comment ne pas voir, avant de nous re-précipiter tête baissée dans la Chine d’avant, que les ressorts de cette heureuse décision révèlent d’abord l’imprévisibilité, la versatilité et la fragilité de sa gouvernance ? Il serait donc sans doute plus juste et plus sage de nous réjouir d’un simple retour à l’anormal.
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* En espérant que les ligues de lutte contre la météophobie ont encore deux grammes d’humour pour ne pas me vouer au bûcher…
** Ce 5 mars s’est ouvert la session parlementaire dite des « Deux Assemblées ». Ce rendez-vous majeur de la vie politique chinoise, chargé d’entériner les décisions du XXème Congrès du PCC, rassemble environ 3000 représentants issus de l’exécutif des 34 provinces ou régions spéciales dont - pour la petite histoire - les caisses ont été vidées par 3 ans de politique de Zéro-Covid dynamique de Keyoncé.
*** Franchement pas terrible, la contrepèterie !
Bruno Gensburger est interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.
Karim Oyarzabal a eu plusieurs vies. Aujourd’hui illustrateur et auteur de bandes dessinées, Karim a été comédien en Chine pendant plusieurs années et est diplômé de l’Ecole Polytechnique.