S’il fallait un nouveau symbole du fait que l’intelligence artificielle est entrée dans le débat public, cette information en provenance du … Vatican ! Oui, le Vatican, pas la Silicon Valley. Le mois dernier, une réunion extraordinaire s’est tenue au Vatican entre des représentants des trois religions du Livre, Christianisme, Islam et Judaïsme. Le sujet : l’IA.
Une des participantes, qui a raconté son expérience dans le FT, explique que cette rencontre était prévue de longue date. Mais le fait est que ce rendez-vous de prélats, de rabbins et d’imams coïncidait avec l’extraordinaire impact public de Chat GPT. De ce fait, la rencontre discrète dans les palais du Vatican prend une autre dimension : elle signifie au monde que l’intelligence artificielle n’est plus un domaine réservé de quelques spécialistes, elle appartient désormais à tout le monde, elle concerne tout le monde.
La rencontre du Vatican, qui comportait une audience avec le pape François, portait sur les dimensions éthiques et morales de l’IA, une question fondamentale que les scientifiques eux-mêmes se posent. Fondamentale mais encore mal comprise du grand public, si ce n’est par l’intermédiaire de quelques films de science-fiction. Mais ça change : recevoir un appel téléphonique d’une grande émission de télévision grand public pour venir débattre de ChatGPT est le signe sûr de cette irruption du sujet IA dans les conversations, quel que soit le degré de compréhension de la technologie et de ses enjeux. Tout le monde pressent que, même si on se gausse ici et là des déboires de Google ou des ratés de ChatGPT, il y a bel et bien un enjeu de société fondamental.
Il était temps, car l’enjeu est effectivement bien réel. Et il est heureux, même pour un athée pur et dur, de constater que les représentants des grandes religions se sentent concernés et veulent participer au débat. Il y a quelques siècles, les inventeurs de ChatGPT auraient été brûlés sur la place publique, pour avoir osé travailler sur une intelligence artificielle, au sens littéral des mots. Le monde a évolué (euphémisme) et les religieux réfléchissent aujourd’hui aux enjeux au lieu de les combattre comme sataniques !
Que peuvent faire les acteurs de la technologie de ces réflexions ? Ils devraient chercher à créer des passerelles avec les religieux, mais aussi avec tous les cercles de la société civile qui voudront s’impliquer dans le débat sur l’avenir de l’IA, ses applications, les indispensables régulations et limites. L’alternative, c’est de laisser le champs libre à ceux qui, comme Vladimir Poutine, raisonnent en terme de rapports de force et pensent que « qui contrôlera l’intelligence artificielle, contrôlera le monde »…
Pierre Haski est journaliste expert en relations internationales sur France et Inter et à l’Obs, et Président de Reporters Sans Frontières
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