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Les câbles sous-marins, ces cordons ombilicaux menacés

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Les câbles sous-marins, ces cordons ombilicaux menacés

Pierre Haski
Mar 17
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Les câbles sous-marins, ces cordons ombilicaux menacés

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Les marins chinois sont vraiment maladroits. Début février, un navire de pêche chinois a sectionné le câble de télécoms qui relie l’île de Dongyin, qui fait partie de l’archipel de Matsu, à l’île principale de Taiwan. Une semaine plus tard, un cargo chinois a malencontreusement coupé un second câble sous-marin entre Matsu et Taiwan, à laquelle l’archipel appartient…

Les dégâts sont importants puisqu’un câble sous-marin de fibre optique ne se répare pas aussi rapidement que sur terre. Depuis ces « accidents », les habitants des îles concernées ont des liaisons plus réduites avec Taiwan, limitant les transactions bancaires et les systèmes de paiement, l’accès à internet, et une partie des communications. Des systèmes de secours par émetteurs ont été mis en route en un temps record, en attendant la réparation.

Crédit image: iStockPhoto

Personne ne soupçonne évidemment les marins chinois d’avoir délibérément sectionné les câbles… Il n’empêche, c’est une source de vulnérabilité certaine qui a été mise en évidence, et pas seulement pour Taiwan. Il est probable qu’ils formeraient, avec les stations terrestres à l’arrivée, une cible de choix en cas d’invasion ou de préparation d’invasion chinoise de Taiwan : c’est en tous cas dans les scénarios auxquels se préparent les Taiwanais.

Déjà, lorsque les gazoducs NordStream 1 et 2 entre la Russie et l’Allemagne ont été sabotés au fond de la mer Baltique l’an dernier, épisode mystérieux sur lequel plusieurs thèses s’affrontent, le risque encouru par les câbles sous-marins avait été évoqué comme champs possible d’extension de la guerre en Ukraine. Notamment en octobre 2022 lors d’un incident qui a isolé les îles Shetland du reste du Royaume Uni, alors qu’un navire scientifique russe se trouvait dans les parages. Le sabotage n’a jamais été évoqué publiquement, mais beaucoup y ont pensé… Les historiens se souviennent qu’au cours de la première guerre mondiale, les câbles télégraphiques dans l’Atlantique avaient été coupés... Rien de très nouveau, donc, sinon la place prise par ces réseaux de communication, devenus vitaux dans nos vies, nos économies, notre défense.

Notre dépendance aux près de 500 réseaux de câbles reliant les continents, représentant plus d’un million de kilomètres posés au fond des mers et des océans, ne cesse de croître : dans le climat de tensions internationales actuel, il est évident que la question de leur sécurité se pose. Sécurité face au risque de sabotage, mais aussi de piratage. Depuis 2020, les États-Unis interdisent par exemple à leurs entreprises, qui jouent un rôle-clé sur ce marché, de commander des câbles sous-marins aux fabricants chinois. Résultat, deux opérateurs télécoms chinois ont dû se retirer le mois dernier du consortium de financement d’un futur câble sous-marin entre Singapour et Marseille, un investissement d’un demi-milliard de dollars. Les entreprises chinoises possèdent un câble parallèle qui relie Singapour à la France !

La France occupe une position importante à plusieurs titres : dans la fabrication des câbles avec Alcatel Submarine Networks, l’un des trois « grands » mondiaux ; dans la pose avec les navires de Louis Dreyfus Armateurs et d’Orange marine qui représentent un quart de la flotte spécialisée dans le monde et ont été classés « flotte à caractère stratégique » ; et enfin grâce à sa façade maritime qui en fait le pays le plus connecté d’Europe, en particulier pour les liaisons transatlantiques. Pour toutes ces raisons, le gouvernement a lancé l’an dernier, dans le contexte de la guerre en Ukraine, un plan spécifique de surveillance de ces installations stratégiques.

Si on cherche un lieu où technologie et géopolitique se croisent, il suffit d’aller voir au fond des mers et des océans !

Pierre Haski est journaliste expert en relations internationales sur France et Inter et à l’Obs, ancien correspondant pour Libération en Chine. Il est Président de Reporters Sans Frontières.

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