Il n’aura pas fallu longtemps pour que les entrepreneurs européens réagissent au discours anti-Europe de JD Vance, le vice-président de Donald Trump, lors de la conférence sur la sécurité à Munich, le 14 février dernier.
Plus de 120 fondateurs européens de la tech, dont ceux de Shopify, Klarna, Vinted, GitHub, les français Huggingface et Mistral AI viennent de s’unir pour lancer Project Europe, un nouveau fonds d’investissement doté de 10 millions d’euros pour offrir 200 000 euros aux jeunes européens de 18 ans et les inciter à lancer leur projet.
Harry Stebbings est le chef de file de cette initiative. Entrepreneur londonien devenu investisseur, il a réussi à mobilier son réseau pour lancer ce nouveau fonds. Comme lil le dit dans le Financial Times, Project Europe vise à lutter contre ce qu’il appelle une « spirale fatale » en Europe, qui provoque une « fuite des cerveaux » des meilleurs talents vers les États-Unis.
Il se passe quelque chose de profond en Europe, et la guerre en Ukraine, le retour de Trump au pouvoir aux côtés d’Elon Musk, semblent amorcer un réel changement d’état d’esprit dans l’écosystème tech européen.
En octobre dernier, des dizaines de fondateurs européens, dont Patrick Collison de Stripe et Ilkka Paananen de Supercell, ont lancé EU Inc. pour favoriser le business au sein même de l’espace européen.
L’AI Summit de Paris le mois dernier a aussi contribué à envoyer des messages forts pour valoriser l’Europe.
Les chiffres parlent. Le dernier rapport « State of European Tech » du fonds Atomico montre que le capital total investi dans les start-ups d’Europe a été multiplié par dix entre 2015 et 2024 par rapport à la décennie précédente, pour atteindre 45 milliards de dollars l'an dernier.
Ce mouvement de fond se confronte cependant à la terrible bureaucratie de l’Europe, dont bien des entreprises se plaignent depuis des décennies. Les politiques de régulation sont aussi souvent pointées du doigt.
Si l’Europe a réellement envie de créer son propre mythe de la réussite, en misant sur ses atouts, en particulier ASML, le leader dans l’industrie des semi-conducteurs, il faut être réaliste sur les interdépendances propres au secteur du capital risque. La manne financière d’amorçage en Europe n’a pas de barrière, mais les leviers sont ailleurs, en particulier dans les fonds américains de la Silicon Valley.
Malgré cela, il n’est pas interdit de penser que d’autres initiatives comme Project Europe émergent dans les mois qui viennent. Les jeunes entrepreneurs-investisseurs sont visiblement décidés à former des role models qui ne sont pas Sam Altman ou Elon Musk. Il faudrait pour cela un autre sursaut : accepter que le monde a basculé, dépasser tout conflit générationnel, libérer cette jeunesse et travailler avec elle pour convertir le mythe en réalité.
Marion Moreau