政治体制改革 Zhèngzhì tǐzhì gǎigé
Nous sommes en 1919. Le 4 mai. Il y a exactement cent quatre ans, à huit jours près. L’annonce des clauses du Traité de Versailles attribuant au Japon les territoires du Shandong colonisés par les Allemands déclenche la révolte de la jeunesse chinoise. C’est la naissance d’un mouvement de protestation issu d’étudiants et d’intellectuels progressistes, resté dans l’Histoire sous le nom de Mouvement du 4 mai (五四运动).
Anticolonialiste, anti-Japonais et anti-Occidentaux, ce réveil traduit l’émergence d'une conscience patriotique chinoise. Chen Duxiu (陈独秀) dans sa revue Nouvelle Jeunesse créée en 1915, y critique le Confucianisme, le poids des traditions, le pouvoir des mandarins et l’oppression des femmes. On exige que le chinois littéraire soit remplacé par le chinois moderne (le Baihua白话) comme langue officielle et dans l’enseignement. Des intellectuels se lancent fiévreusement à la recherche des clefs de la modernité, du progrès et des sciences. Résolus à rattraper les puissances coloniales, ils découvrent les notions de démocratie, de liberté individuelle et de réforme. Ils explorent, ils tâtonnent et dans cette fébrilité brouillonne, certains rejoignent les communistes. Ils participeront trente ans plus tard à la création de la République populaire de Chine.
Mais très vite, la Chine Nouvelle passe de la soif réformatrice à la folie révolutionnaire. Les slogans changent. L’avènement du Maoïsme dissout tout et on découvre vite qu’il vaut mieux être Rouge qu’Expert. Les idéaux modernes de l’Occident sont balayés par des campagnes politiques cataclysmiques, jusqu’à la mort de Mao en 1976.
Puis, très vite, les germes de la réforme que l’on croyait à jamais détruits refleurissent. Timidement d’abord, puis furieusement, sous la houlette du Petit Timonier Deng Xiaoping.
Mais ces évolutions ne touchent que l’économie ou le commerce, et les appels croissants de la jeunesse chinoise à la réforme politique1 sont soit réprimés, soit noyés dans le sang comme en 1989, exactement 70 ans après le Mouvement du 4 mai.
Deng Xiaoping et les caciques du Régime sentent le vent du boulet. Pour étouffer la contestation, ils murmurent à l’oreille de chaque Chinois : « Sois riche et tais-toi ! » Le message est bien reçu. C’est un succès. En quatre décennies, la politique de Réforme et d’Ouverture propulse le pays au 2e rang économique mondial. Désormais dotée d’infrastructures et d’un outil industriel prodigieux, l’incontournable Chine devient la coqueluche du capitalisme mondialisé. L’avenir est radieux, pensent les penseurs pensifs.
Hélas, ceux qui ont cru que le progrès économique conduirait immanquablement le pays vers une évolution politique à l’occidentale en sont pour leurs frais.
« Un État, plus ancien que l'Histoire, toujours résolu à l'indépendance, qui s'est constamment efforcé à la centralisation, d'instinct replié sur lui-même et dédaigneux des étrangers. Mais, conscient et orgueilleux d'une immuable pérennité, telle est la Chine de toujours. » prophétisait le Général de Gaulle en 1964.
Aujourd’hui, le monde constate avec une certaine perplexité que la Chine de Xi Jinping, en proie à ses vieux démons et à tout l’éventail de ses inquiétantes postures, peut très bien vivre avec un hardware ultramoderne piloté par un software anachronique.
Pendant combien de temps et à quel coût ? Je l’ignore, mais la question qui me taraude en cette date anniversaire du Mouvement du 4 Mai est : Pourquoi, depuis plus d’un siècle, toutes les tentatives de réformes politiques et de démocratisation chinoises2 ont-elles échoué ?
Que t’en semble, lecteur ?
Cette difficulté vaut bien qu’on la propose3.
Les célèbres Dazibao (大字报) du Mur de la Démocratie de Xidan (西单民主墙)en 1979, puis les manifestations étudiantes de décembre 1986 à Pékin, précurseurs des événements du 4 juin 1989 de la Place Tian’Anmen dont aucune trace ne subsiste dans l’historiographie officielle chinoise.
Y compris celle de « la Réforme des Cents Jours », entre juin et septembre 1898, lorsque Liang Qichao et Kang Youwei adressent à l’Empereur Guangxu un programme de réformes institutionnelles et idéologiques qui a failli leur coûter leur tête.
Les deux amis - Quelle élégance, ce La Fontaine !
Études de caractères, la chronique de Bruno Gensburger, interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.
Karim Oyarzabal est illustrateur et auteur de bandes dessinées. Karim a été comédien en Chine pendant plusieurs années et est diplômé de l’Ecole Polytechnique.