白日做梦 – Báirìzuòmèng
En réconciliant, à l’issue d’une efficace diplomatie secrète, des ennemis aussi irréductibles que les Saoudiens et les Iraniens, la Chine a démontré une fois de plus sa capacité à surprendre le monde.
Le président chinois, à peine réélu à l’unanimité pour un 3e mandat, désireux de consolider son statut de leader mondial et peut-être aussi de tailler des croupières aux Américains au Moyen-Orient, va-t-il pousser plus loin son avantage dans la région ? Difficile à dire, mais en laissant divaguer mon imagination, j’ai fait un songe à moitié éveillé que je vous livre tel quel.
Le Président Xi Jinping annonçait qu’il allait proposer aux Nations-Unies un plan de paix destiné à mettre un terme au conflit israélo-palestinien. Baptisé ISPAHAN (IS pour Israël, PA pour Palestine, et HAN puisque conçu et piloté par la Chine), ce plan devait ramener la stabilité dans tout le Moyen-Orient en commençant par réconcilier, dans un cadre résolument multinational, Juifs et Palestiniens.
Puisque depuis l’assassinat d’Itzhak Rabin, le 4 novembre 1995, les chances d’une solution à deux Etats, seul espoir d’une paix durable pour la région s’étaient envolées. Puisque depuis l’échec de la médiation américaine, rien n’avait pu empêcher l’engrenage de la violence, il était du devoir et de l’intérêt de tous, pensait Xi Jinping, d’imposer, par la force si nécessaire, le règlement de cet interminable conflit en convoquant d’urgence une Conférence onusienne sur la paix au Moyen-Orient.
Dans cette perspective, la Chine allait demander que lui soit confiée l’exécution de son plan d’action spécifique baptisé MOSART (Monitor, Operate, Secure, Administer, Rebuild, Transfer), sorte de B.O.T géostratégique.
Explications :
Monitor, car la Chine commencerait par déployer massivement des moyens modernes de surveillance et de contrôle dans les principales zones de tension afin de dissuader et d’écraser dans l’œuf toute velléité de violence, de terrorisme ou de guerre, d’où qu’elle vienne. Après la dissolution des organisations extrémistes et le désarmement de la population, elle installerait une gouvernance harmonieuse et non discriminatoire en imposant une coexistence pacifique (Operate) à toutes les parties. Outre les techniques habituelles de sécurisation intérieure et extérieure, la stabilisation intérieure d’Israël (Secure) serait assurée par des mesures de soutien économiques, sanitaires et scolaires d’urgence pour les territoires les plus déshérités afin de réduire les inégalités et les tensions intercommunautaires.
Auréolée de ses succès en matière de maintien de la paix et de lutte contre la pauvreté, la Chine demanderait que lui soit confiée, sous le contrôle d’observateurs internationaux, l’administration des territoires palestiniens (Administer) où elle créerait les meilleures conditions de développement et d’accès aux ressources ainsi qu’aux financements indispensables à leur modernisation*. Viendra ensuite (Rebuild) la reconstruction d’un environnement décent, d’infrastructures performantes et de services publics efficaces partout où ils faisaient cruellement défaut. Enfin, (Transfer) lorsqu’à l’issue des 20 ou 25 ans de mandat onusien, la sécurité, la prospérité et la dignité de tous seront rétablies sur l’ensemble des territoires, que les principales sources de tension auront mécaniquement disparues et que les haines seront apaisées, Israël, modernisée et vaccinée contre les violences communautaires, sera scindée en deux Etats amis, à qui seront transférées leur pleine et entière souveraineté.
Voilà. Je vous le confirme, rien de tout cela (pour l’instant) n’est à l’ordre du jour, mais sait-on jamais ce que la diplomatie chinoise nous réserve ? En plus, me direz-vous, MOZART, ça s’écrit avec un Z, pas avec un S. Bien sûr, mais vous savez… les rêves et l’orthographe... Et puis, en ce moment, certaines lettres risqueraient de connoter des amitiés encombrantes pour les Chinois, alors ne leur compliquons pas la tâche, comme dirait René Char** !
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* Après tout, pour la Chine qui a sorti 800 millions d’habitants de la pauvreté en 40 ans, mettre un peu d’ordre dans un territoire grand comme un confetti, ça ne devrait pas être la mer à boire… surtout si elle est rouge.
** Char russe, probablement.
Bruno Gensburger est interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.
Karim Oyarzabal est aujourd’hui illustrateur et auteur de bandes dessinées. Auparavant, Karim a été comédien en Chine pendant plusieurs années et est diplômé de l’Ecole Polytechnique.