救救卢沙野 - Jiù jiù lú shā yě
Les propos insultants et négationnistes tenus sur LCI le 21 avril par l’Ambassadeur de Chine en France, M. Lu Shaye (prononcer : Louchailler) ont suscité un tel tollé que 80 parlementaires européens ont demandé à la Ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, de le déclarer Persona non grata.
Pour inacceptables que soient ses déclarations, vouer l’homme au goudron et aux plumes* ne me semble pas la meilleure des choses à faire.
Car, ou bien M. Lu est incompétent et au lieu de le sanctionner, nous devrions l’aider à se rééduquer, comme le veut la tradition chinoise. Nul doute que le lancement d’une cagnotte en ligne permettrait facilement de financer une formation sérieuse en Droit et en Relations internationales qui permettra à ce diplomate d’avenir d’occuper un jour un poste de Premier secrétaire dans une grande ambassade. Investissons dans l’avenir.
Ou bien M. Lu est atteint d’une forme sévère de « Covid mental » qui nécessite un traitement adapté (muselière, camisole, isolement, lecture forcée de Rabelais, Voltaire, La Boétie, Montaigne, que sais-je ?) et il appartient à des professionnels de la santé mentale d’intervenir dans les meilleurs délais.
Ou bien, et c’est le plus probable, M. Lu se contente d’incarner fidèlement la diplomatie profonde de son pays** et nous perdrions au change avec un autre ambassadeur plus « diplomatiquement correct » qui déguiserait sous des dehors plus anesthésiants, la véritable psyché de son gouvernement. Reconnaissons au moins à M. Lu Shaye le mérite de la clarté. Avec lui, nul besoin de sous-titres ou de notes de bas de page.
C’est pourquoi, au-delà du réflexe légitime, renvoyer cet ambassadeur hors-normes serait contre-productif à plus d’un titre :
1- Nous nous priverions d’une grille de lecture transparente des ambitions chinoises ;
2- Il serait reçu en héros à Pékin, immédiatement fait Commandeur dans l’Ordre du Panda Bourru, et promu à de plus hautes fonctions ;
3- Par effet de réciprocité, son expulsion risquerait de fragiliser la position de notre nouvel ambassadeur à Pékin et de notre réseau diplomatique en Chine ;
En un mot, il serait illusoire de croire qu’on gagnerait au change en troquant un Embarrassadeur contre un Embrassadeur.
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* Les amateurs de Lucky Luke auront l’image.
** On raconte qu’autrefois, un certain roi, lassé des turpitudes et de l’incompétence d’un ambassadeur de la Chine impériale, le convoqua pour lui dire son fait. « Comment se fait-il, s’emporta le souverain courroucé, que votre glorieux empereur nous ait envoyé un si déplorable représentant ? » Le fonctionnaire répondit humblement. « Pour la nomination de ses ambassadeurs, notre Empereur, s’en tient à une règle simple : la qualité de ses envoyés est toujours proportionnelle à l’importance qu’Il accorde à leur pays de résidence. »
Études de caractères, la chronique de Bruno Gensburger, interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.
Karim Oyarzabal est illustrateur et auteur de bandes dessinées. Karim a été comédien en Chine pendant plusieurs années et est diplômé de l’Ecole Polytechnique.