仲夏夜之梦 Zhòngxià yè zhī mèng
Il est environ 03h00 du matin ce dimanche à Pékin. Malgré l’orage qui vient de déluger sévère*, le bitume de l’immense avenue Chang’an (traversant Pékin d’est en ouest) continue de restituer à la nuit la chaleur accumulée pendant ces dernières journées de juillet 1986.
De retour d’une longue et belle soirée sous les saules du lac Shishahai avec des amis, je chevauche fièrement mon « Pigeon Volant », la Rolls Royce chinoise des vélos de cette époque bénie, pour regagner mon lit qui m’attend sagement au 14e étage de l’Hôtel de Pékin.
L’avenue habituellement si fréquentée est complètement déserte et c’est presque avec solennité que je passe en revue le long alignement des maisons de briques grises, bastion de l’armée silencieuse des Pékinois endormis. L’avenue entière est à moi. C’est à peine croyable. La suite aussi.
Donc, disais-je. Pas un bruit. Pas une voiture, pas une charrette, pas un vélo, pas un âne, pas un cheval. Pas même un chameau de Bactriane, puisque les rares qui transitent encore par Pékin, en provenance de la Mongolie, n’y sont tolérés qu’à la nuit tombante pour ne pas ajouter à l’anarchie de la circulation.
Soudain, éclipsant le léger chuintement de mes pneus sur le sol mouillé, un bruit de moteur se rapproche. En me retournant, je découvre, au milieu de l’immense avenue vide, deux grands camions de pompiers se suivant à 20 mètres de distance. Ils me rattrapent à vive allure. On dirait les jouets de mon enfance. Longues citernes rectangulaires rouges avec les enrouleurs latéraux pour les tuyaux anti-incendie, gyrophares en action, et bien sûr, couchée sur toute la longueur du véhicule, dépassant comme un éperon métallique, les légendaire et rutilantes échelles salvatrices. A l’époque, elles n’avaient pas besoin d’être bien longues puisque la ville comptait majoritairement des maisons basses en briques grises. Aujourd’hui, malgré nouvelles performances, il n’est pas rare qu’on découvre un peu tard que la taille compte.
Bref, même si ce sont les deux seuls véhicules présents sur l’avenue, je veille à bien tenir ma droite sur la piste cyclable large comme une autoroute à quatre voies, pour mieux les laisser passer.
Il existait à l’époque, pour matérialiser le centre de quelques grands carrefours, une sorte d’îlot circulaire en bois rouge et blanc. Haut d’environ 80 cm, ce « camembert » était souvent désert mais parfois occupé par un policier à vareuse blanche et lunettes noires qui, plus ou moins tyrannique, nonchalant ou résigné, s’efforçait de diriger le flux brownien de la circulation. Il n’y avait pas meilleur endroit
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