Vénération 崇拜 Chóngbài
Courrier du Président du Trump Fan Club d’Aubagne
au Président des Etats-Unis
(À lire avé l’assent)
Le 10 mai 2025
Monsieur le Président,
Mon cher Donald,
Tout d’abord, je ne résiste pas à l’envie de te dire combien je te trouve formidable, incroyable et fascinant. Tu fais un boulot vraiment fantastique et grâce à toi, jamais le monde ne s’est aussi bien porté. Je ne suis pas le seul à le dire. C’est aussi ce que disent des tas de gens formidables et incroyables qui, eux aussi, font un boulot fantastique. En tout cas, moi, je t’adore et, Baille Zoé, comme tu dis toujours, il n’y a pas un leader que j’admire plus que toi.
Mais voilà, il y a quelque chose qui me turlupine. Tout le monde sait combien tu te décarcasses pour parvenir à la paix en 24 heures entre la Russie et l’Ukraine. Bien sûr, pour ça, il faut d’abord que les deux autres fassent un minimum de concessions. Mais j’ai l’impression que certains ne jouent pas le jeu. Non seulement c’est pas correct, mais pour toi, c’est pas juste.
Depuis que tu l’as mouché en direct dans ton beau bureau ovale, ce mal-élevé de Zelensky a enfin compris qui était le patron. Bien fait pour ce petit Nazi qui pousse la duplicité jusqu’à être Juif ! Décidément, ils sont partout. Je parle des Nazis, bien sûr. Ne crois surtout pas que je suis antisémite et tout. Mais je suis pas non plus antinazi. Comme tu le dis avec ta sagesse coutumière, il y a des gens bien des deux côtés.
Mais celui qui me tarabuste, c’est ton nouvel ami Vladimir. Pourquoi il te met autant de bâtons dans les roues ? Je ne dis pas ça parce qu’il est aussi l’ami-sans-limite de ton ennemi Xi Jinping… Faut pas voir le mal partout, même si moi, ça me gêne un peu, quand même. Pas toi ?
Bref, je ne comprends pas pourquoi malgré tous tes efforts pour arriver à la paix, il continue de bombarder les civils ukrainiens, refuse les cessez-le-feu et tout compromis avec Kiev. Qu’il te fasse perdre ton temps, passe encore. Qu'il esbigne ta crédibilité de Roi-du-Deal et de Super-Pacificateur, admettons. Je sais bien que tu es suffisamment magnanime pour ne pas te laisser offusquer* par un homme comme lui. Mais le vrai problème, c’est qu’il risque de te faire passer aux yeux du monde entier pour ce que tu n’es pas : un pantin ridicule, une grande gueule avec un Q.I. de daurade adulte, un stratège myope sans aucun leadership qui jette l’éponge à la moindre difficulté. Et ça tu vois, ça me chagrine. C’est tellement pas toi !
Alors, je me suis pensé : à part mettre en scène ton échec sur l’Ukraine, à quoi il joue, Poutine ? Et Xi, qu’est-ce qu’il mijote, celui-là ?
Les deux complices parient sans doute que la cape rouge de l’Ukraine te masquera encore longtemps la vraie menace : celle du torero chinois qui, derrière, attend son heure. Car, pendant ce temps, lui, il te lorgne, il t’analyse, il te dissèque tout vif et aiguise ses banderilles. Pendant que tu piaffes, il te fait des lipefrogues technologiques, il continue de s’armer, de renforcer son influence, il multiplie ses intrusions sur les mers, dans les airs et dans le cyber espace jusqu’à ce que le rapport de force bascule en sa faveur et que ta sacro-sainte dissuasion tombe toute seule comme une figue molle.
C’est pas bon de laisser les gens rêver. Surtout les Chinois. Tu les connais mieux que personne. Ils rêvent, ils rêvent, puis ils s’emballent. Et quand ils s’emballent, ça prend vite des proportions…
Bref, chaque jour que tu perds sur l’Ukraine, c’est un jour gagné par la Chine. Oh Donald, je te le dis, si tu ne réagis pas très vite, le réveil va être pénible.
Donc, si tu veux que Vladimir arrête de te prendre pour un Donut, si tu veux retrouver ta stature d’hyperpuissance et en finir avec ce conflit tout en sauvant ton pays (et avoir une chance de devenir Prix Nobel de la paix), reprends le volant et explique à Vladimir que le code a changé.
Refais-nous une volte-face dont tu as le secret. Finance massivement Zelensky. Livre-lui tout ce qu’il veut. Autorise-lui des attaques massives et en profondeur sur le sol russe. Appuie-toi sur l’UE et sur l’OTAN. Elle et là pour ça, non ? Et si tu te remets dans le bon plateau de la balance, comme avant, ça ira encore plus vite. Tu imagines, si les Européens gagnaient la guerre sans toi ? Ce serait ballot, non ? Pense à l’avenir.
Tu vas voir. Ton Poutine, qui a tout bien manigancé, qui est tellement sûr de lui qu’il n’a même pas de Plan B, ça va le désarçonner. Zelensky galvanisé, son armée regonflée, l’Ukraine gagnera la guerre en un mois chrono et tout ça, grâce à toi. Tu seras ze vainqueur, ze héros -de la guerre comme de la paix- et accessoirement tu auras évité une 3e guerre mondiale. Tu feras taire tous les grognons. À toi l’admiration générale, la reconnaissance de l’Occident, de l’Ukraine… et à toi ses terres rares. En un mois, la Russie rentrera dans ses 22 mètres et Xi se calmera sur Taïwan parce qu’il aura compris qu’avec ton air de ravi de la crèche et ta grosse mèche, il faut pas trop te chauffer.
Le moine bouddhiste Matthieu Ricard, penseur dont le nom chante aux oreilles de tous les Marseillais, aurait dit un jour: « Pour tenir un ennemi en respect, l’ambiguïté stratégique c’est bien. Un tir de sommation, c’est mieux. » Pourquoi donner une chance à Poutine et au PCC de se partager ta dépouille ? C’est quand même pas pour ça que la Sainte-Vierge t’a sauvé deux fois, non ?!?
En tout cas, je t’admire tellement et tu es un si fin stratège que je sais que tu vas tous nous surprendre bientôt. Mais n’attends pas trop, tout de même…
Adésias, mon Donald ! Merci d’avoir pris le temps de me lire parce que je sais que c’est pas ton passe-temps favori. Si tu viens en Europe, n’oublie pas que, s’il y a un endroit sur terre où on rêverait tous de te voir, c’est Aubagne.
Baille Zoé, j’ai un peu de temps en ce moment. Alors, si tu as besoin d’un nouveau conseiller diplomatique, pense à moi. Il me reste quelques RTT et j’ai même décidé de me mettre au golf.
Allez, je te laisse. On compte sur toi pour Make Trump Great Again !
Etienne BONJARIVE
Président du Trump Fan Club d’Aubagne
ProVance
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* Offusquer n’est pas un gros mot du genre : « Eh, va te faire offusquer, louzer ! ». C’est juste un mot français un peu recherché qui veut dire que tu as envie de flinguer quelqu’un qui le mérite, mais que pour des raisons qui t’appartiennent, tu décides de t’abstenir.
Bruno Gensburger est interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.