L’Europe du Moyen-âge n’a jamais su penser hors de Dieu, qui était l’alpha et l’oméga de toute chose. De même, les Chinois, depuis l’instauration de la Chine nouvelle en 1949, n’ont jamais conçu d’existence hors du PCC, même s’ils ont à plusieurs reprises appelé à sa réforme. Mais tous les paradigmes sont mortels et il aura fallu les manifestations d’exaspération dans tout le pays au lendemain de l’incendie meurtrier de Urumqi du 24 novembre dernier, pour assister à deux événements inédits depuis 73 ans de pouvoir absolu :
1 : l’exigence publique de citoyens, et pas seulement de la jeunesse rebelle, de la démission du PCC et notamment de son tout-puissant représentant, réintronisé un mois plus tôt en grande pompe au XXe Congrès.
2 : ajoutant l’insulte à l’hérésie, la foule a osé pour la première fois, traiter publiquement son nouveau Timonier de 傻逼shabi, jetant sur l’homme un diagnostic cru dont l’évidence ébranle chaque jour davantage d’observateurs incrédules.
En effet, comment un dirigeant, par définition, allié de son peuple, façonné par une méritocratie vieille comme le monde, peut-il à ce point, depuis dix ans ruiner tout ce qu’il touche et oser inscrire sa Pensée dans la Constitution chinoise (qui de toute façon, n’est jamais appliquée) !
Cependant, l’insulte ne doit pas occulter son sens profond, si bien résumé par Monsieur de la Fontaine dans sa fable L’ours et l’amateur des jardins : « Rien n’est plus dangereux qu’un ignorant ami, mieux vaudrait un sage ennemi. »
Bruno Gensburger est interprète de conférence en mandarin et conseiller en diplomatie des affaires. Retrouvez chaque semaine sa chronique sémantique