叙利亚你好! Xùlìyǎ, nǐ hǎo !
Après l’avoir remis à Vladimir Poutine et à Fidel Castro, c’est à Robert Mugabe que la Chine a décerné en 2015, le Prix Confucius de la Paix1. Incrédules, les Occidentaux se sont contentés de ricaner, mais sans prendre réellement la mesure de ce qu’augurait cette distinction.
Avec le recul, non seulement on comprend mieux le sens du mot « inclusivité » dans le bestiaire des valeurs fondamentales du PCC, mais surtout on perçoit mieux pourquoi la Chine, grande réconciliatrice d’autocrates incompris, a décidé, dans le cadre de sa diplomatie décomplexée, de faire son coming-out avec le président syrien. De fait, la chaleur de l’accueil que le couple présidentiel 2 a reçu à Pékin, du 21 au 25 septembre dernier, a vraiment de quoi surprendre.
Le simple soutien de la Chine à l’ONU, pour bloquer les résolutions dénonçant les exactions commises par le régime syrien ou pour contrer l’influence des Etats-Unis dans la région, ne suffisait plus. La relation bilatérale sino-syrienne méritait mieux et surtout, valait d’être mise en scène. Je ne détaillerai pas ici les bénéfices mutuels de ce rapprochement. La presse s’en est déjà largement fait l’écho et ce n’est pas mon sujet.
Je constate juste que dans la vaste crapulosphère que Pékin s’emploie à structurer, le boucher de Damas va se sentir en famille. Vladimir Poutine, MBS, Kim Foufou, le Président iranien, les chefs talibans (dont les noms nous sont hélas trop peu familiers) et d’autres encore, ne manqueront pas de se réjouir du retour en grâce du bon Docteur al Assad.
Car on oublie trop souvent que le jeune Bashar se destinait originellement à la médecine. Quoi de plus noble que de consacrer sa vie à sauver celle des autres ? C’est peut-être pour ça que depuis 2011, il a autant fait pour la santé de son peuple, que le Dr Mengele pour la promotion des médecines douces en milieu fermé.
On oublie aussi qu’il a élargi le champ des libertés individuelles dans son pays, en accordant à chaque citoyen, sans distinction d’âge, de sexe ou de religion, le droit de se faire arrêter, violer, torturer et exécuter dans des délais qui raviraient Ségolène Royal 3. Cinq cent mille Syriens auraient adoré vous le confirmer de vive-voix, mais hélas, en 2023, la qualité des communications avec l’au-delà reste déplorable.
Mais puisque les perspectives de reconstruction et de modernisation qu’offre la Syrie sont immenses, avec l’aide de Dieu (et du partenariat stratégique signé avec Xi Jinping), le monde entier, ébahaï 4, découvrira bientôt un nouveau chemin de Damas pavé de bonnes intentions, en bambou naturel éco-responsable, avec des immeubles "flambants-neufs" qui auront remplacé les immeubles flambés-vieux. Préparons-nous donc à assister en Syrie à la naissance d’une ère nouvelle, bâtie sur des amnésies officielles et des consciences décarbonées, loin des relents de ruines chaudes et de sang frais.
Que faire ? Que dire à nos amis chinois avec qui, tragiquement, le fossé se creuse de jour en jour ?
Ils sont de plus en plus nombreux à considérer que ceux qui se bouchent le nez en critiquant la diplomatie de Pékin devraient se rendre à l’évidence : nous sommes le passé, ils sont l’avenir, et le dirigeant suprême d’un pays de 1,4 milliard d’habitants, dépositaire d’une civilisation cinq fois millénaire, ne peut pas se tromper. (Sic)
La bonne nouvelle, c’est que, quel que soit le degré d’arriération, de pourriture et de cruauté d’un régime, grâce à la Chine, il ne sera plus jamais orphelin.
J’ignore si notre naïveté vis-à-vis de Pékin en 2015 était pardonnable. Ça se discute. En revanche si dans 10 ans nous nous réinterrogeons sur celle d’aujourd’hui, la réponse sera assurément NON !
1 - Créé en 2010 par le Centre chinois d'études internationales pour la paix, en réaction à la remise du prix Nobel de la Paix au dissident chinois emprisonné Liu Xiaobo, le Prix Confucius se rêvait en alternative asiatique du Nobel, mais (je cite) moins extrême et ne reposant que sur des faits objectifs.
Ségolène Royal avait loué la rapiditude de la justice chinoise, au retour de son mémorable passage à Pékin en janvier 2007.
Si ça se trouve, sa ravissante épouse le tient les partis Baas…
Néologisme désignant un Bahaï stupéfait.