犹太人
L’autre jour, l’un de mes lecteurs antisémites me demandait si les Chinois l’étaient aussi.
Pris au dépourvu et incapable de lui faire la seule réponse qu’il puisse comprendre, c’est-à-dire par oui ou par non, je me suis demandé comment lui expliquer simplement une réalité complexe jusqu’à paraître parfois contradictoire.
En fouillant dans ma mémoire, j’ai constaté qu’après toutes ces années passées en Chine, la seule manifestation d’hostilité chinoise vis à vis de Juifs dont j’ai été témoin, s’est produite… dans le XVIe arrondissement de Paris.
Il y a 5 ou 6 ans, à la sortie d’un grand collège parisien, des adolescents portant kipas s’étaient agglutinés devant la devanture d’un salon de massage chinois. Ils débitaient à voix haute des conneries de leur âge, quand soudain, leur vacarme perturbant la zénitude des clients, la patronne sortit soudain et, comme une possédée, hurla aux gosses qui détalèrent aussitôt « Douif douif, ang wu lei, ang wu lei1 ! ».
Il me fallut quelques dixièmes de seconde pour comprendre qu’il ne s’agissait pas là d’un dialecte du sud, mais bien d’une injonction peu compatible avec la morale confucéenne. Ce jour-là, même si la matrone était à cran, on ne peut pas dire que l’incident était symptomatique d’un antisémitisme chinois rampant.
Historiquement, même si la Chine s’est laissée embarquer dans des cataclysmes sectaires ou religieux - comme le Bouddhisme, la secte des Turbans Rouges, des Taiping, des Boxers2, et plus récemment, de Falungong3 - elle a toujours été plutôt bonne fille avec toutes les religions, tant qu’elles ne gênaient pas le pouvoir en place. Plus il y a de fous, moins il y a de risques d’en voir un dominer tous les autres.
Peut-être parce qu’ils ont toujours été très peu nombreux en Chine (et qu’ils ne font pas de prosélytisme), les Juifs y restent largement méconnus et sont l’objet de tous les fantasmes. Déjà, la notion de peuple élu a de quoi surprendre dans un pays où il n’y a ni dieu ni élection.
Qu’ils les admirent avec excès ou s’en défient sans véritables raisons, les Chinois ont du mal à ne pas essentialiser leurs Juifs, comme on dirait aujourd’hui. Un peu comme avec tous les étrangers, d’ailleurs.
Il faut dire que la littérature disponible, notamment dans leurs aéroports, contribue largement à entretenir le mystère. On trouve quantité de titres tels que : Les Juifs et l’argent ; Les secrets des Juifs pour dominer le monde ; Comprendre l’intelligence des Juifs ; Comment négocier avec un Juif ? et j’en passe.
Ce ne sont pas ces ouvrages qui aideront le lecteur hypnotisé à y voir plus clair entre les notions de race, de peuple, de nation et de religion… Plus comparables à des modes d’emploi pour machines à laver ou rasoirs électriques qu’à Mein Kampf, ces ouvrages charrient tous les clichés de bas-étages, mais sans aucune incitation à la discrimination. Pour moi, ce n’est même pas de l’antisémitisme puisqu’il n’y a aucun support idéologique à ces poncifs.
Tout au plus, ils créeront un peu de méfiance dans les relations d’affaires, mais toujours teintée d’admiration. L’ancienneté et la résilience de la culture hébraïque, comme son attachement à la famille, à la culture, à l’éducation et à l’argent, sont des éléments qui parlent aux Chinois.
Bien souvent, s’ils lisent ces livres, c’est surtout pour répondre à trois questions récurrentes : Depuis le temps qu’on persécute les Juifs, comment se fait-il qu’il y en ait encore un ? Comment se fait-il qu’une si infime partie de l’humanité ait reçu autant de Prix Nobel ? Comment éviter de se faire rouler par un Juif tout en roulant les autres avec leurs super techniques ?
En fait, les Chinois admirent chez les Juifs les qualités qu’ils s’attribuent eux-mêmes. Parfois à tort. Ainsi, ils aiment à dire que les habitants de Wenzhou4, qui ont créé d’importantes diasporas partout dans le monde et sont réputés pour être entrepreneurs et travailler dur, sont les Juifs de la Chine. Admettons, mais j’attends toujours qu’on me donne la liste de ce qu’ils ont apporté au monde, en sciences, en économie, en mathématiques, en médecine, en physique nucléaire, en littérature, en philosophie, en psychanalyse, en arts, en musique et en humour.
Mais dites donc ! Maintenant que j’y pense… Xi Jinping… Xi Jinping… Qu’est-ce qui prouve qu’il s’appelait pas Xi Jingpingstein avant, celui-là ?
Juifs, juifs, enc***
Sectes qui ont apporté misère, dévastations et dépeuplements de provinces entières.
Secte interdite en Chine et sévèrement réprimée depuis plus de 20 ans. Le gourou-fondateur, réfugié aux USA, reste influent de par le monde.
Ville côtière au sud de Shanghai, laboratoire des premières réformes économiques dont la population constitue l’un des plus anciens et des plus importants foyers d’émigration chinoise vers la France et l’Europe.
Bruno Gensburger est interprète de conférence indépendant en chinois, conseiller en diplomatie des affaires, ex-diplomate, ex-directeur des relations extérieures chez Sanofi (Chine) et futur cadavre.
Karim Oyarzabal est illustrateur et auteur de bandes dessinées, il a été comédien en Chine pendant plusieurs années et est diplômé de l’Ecole Polytechnique.