Guerre des drones : made in China, re-designed in Ukraine
Deuxième épisode de mon reportage en Ukraine
« Les circuits imprimés chinois n’ont pas de marquage. Normalement, il y a des numéros sur tous les produits exportés. Et sur plusieurs circuits, il n’y a rien ! ». Alexandr, ingénieur software au sein de l’entreprise informatique SoftServe et fabricant volontaire de drone dont je parlais dans une précédente chronique, est atterré.
« Personne ne le dit, mais il y a des composants chinois qui sont vendus très cher, et qui sont en réalité des vieux produits recyclés. Sur certains systèmes radio que j’ai commandés, j’ai trouvé des composants d’anciens systèmes cellulaires ou GSM par exemple, ils sont vieux de 10 ans ! », dit l’ingénieur.
Et lorsque je lui montre la dernière news sur mon téléphone au sujet des sanctions contournées par la Russie sur l’importation de composants étrangers dénoncée par le Président Zelensky, Aleksandr hausse les épaules : « Les Russes ont beaucoup d’argent pour créer de nouveaux systèmes de fréquences radio. Ils prennent tout ce qui existe, surtout en Chine. Récemment, on a voulu acheter des video-transmetteurs pour nos drones. Eh bien ils ont tout simplement disparu du marché chinois, impossible d’en trouver. La Russie a tout raflé pour nous bloquer, et la Chine en a profité pour faire monter les prix. Et ils ne sont certainement pas les seuls », affirme-t-il.
On le sait, le marché des drones ne s’est jamais aussi bien porté, surtout sur la catégorie des drones civils qu’on trouve en deux clics sur le web. La Chine continue d’ailleurs de dominer à 80% le marché du drone civil, avec tête de gondole son fameux DJI.
Rien qu’en 2021, l'Ukraine avait importé 546 unités d’aéronefs pour 45 millions de dollars, dont 34,8 millions de dollars de France et 3,1 million de dollars de Chine, selon Vox Ukraine. Sans compter depuis l’import massif d’autres types de drones. Zelensky parie cette année sur une production d’ un à deux millions de drones, pour un budget d’ 1,15 milliard d'euros.
L’autre nerf de la guerre, ce sont les systèmes de brouillage, comme ceux qu’Alexandr fabrique le week end.
Yurii Ohonovskyi en a fait une spécialité de l’IT Cluster de Lviv, une pépinière dont il est le CEO, qui regroupe 300 entreprises informatiques, sorte de Station F version bunker de guerre. Polo blanc et treillis vert, Yurii a des airs de soldat, sans l’être officiellement : « Nous travaillons avec la défense aérienne, pour aider les brigades qu’on appelle les « rescue teams ». Les systèmes de jamming (brouillage radio) sont notre priorité. Nous avons envoyé à Kharkiv une station de brouillage, et pendant 10 jours, cette machine a permis de détruire 56 drones FPV russes (First-person-view, des drones de reconnaissance nldr) ».
Dans ce quartier de Lviv, les ingénieurs ne sont pas réellement des soldats- ils ont une autorisation spéciale qui les protègent d’une mobilisation sur le front- mais ils travaillent à l’effort de guerre en programmant des lignes de codes sur des devices, ou en développant des applications pour le personnel médical d’urgence. Yurii Ohonovskyi en est fier. Loin des enjeux de com’, il veut surtout des résultats : « On a trouvé en Ukraine un fabricant qui fait de tous petits boîtiers qu’on appelle Zukorok, que vous portez sur vous, et qui envoie des petits messages d’alerte à l’approche de drones ennemis. On les a programmé et envoyé sur le terrain à Kherson. Un groupe de soldats en jeep a pu être sauvé grâce à ce boîtier qui a sonné l’alerte en captant les fréquences d’un drone ennemi. La jeep, elle, a été touchée en quelques secondes par un drone Shahed ».
Ici dans ce quartier de Lviv où une voiture blindée immatriculée en Pologne est garée, 300 sociétés ukrainiennes investissent en ressources, ainsi que le Ministère des armées, qui a injecté 4 millions de dollars dans l’incubateur. Surtout, le cluster peut compter sur les fonds philanthropiques comme celui de Serhiy Prytula, ancienne star de la TV, qui a collecté des dizaines de millions auprès des diasporas ukrainiennes à l’étranger, comme récemment au Canada et aux USA.
Starlink
« Mon associé a eu un échange avec Elon Musk au début de la guerre.
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