Le mot de la semaine : Bond
James Bond est de retour le 4 mai prochain. Charlie Higson, l’auteur qui a écrit sur la jeunesse de l’espion britannique, fait l’honneur d’ouvrir un nouveau chapitre de la vie trépidante de 007, à l’occasion du couronnement du Roi Charles III.
Bond va donc cette fois devoir déjouer une attaque visant justement la cérémonie de couronnement du monarque anglais. Le titre : “Au service secret de Sa Majesté” (en anglais “On His Majesty’s Secret Service”).
On ignore pour l’heure si le roman ( et probable prochain film) démarre dans la Silicon Valley Bank, le jour où James Bond récupère quelques uns de ses billets placés dans une ou deux startups, la fameuse journée du “krach silencieux” liée à la hausse des taux et la fuite des “bonds”… Ou si un un groupe de hackers est à l’origine d’une cyber attaque sur les services du MI6 pourtant équipé du logiciel Pegasus… Le suspens reste entier, last but not least…
Le chiffre de la semaine: 300 millions
C’est le nombre d’emplois menacés par l’intelligence artificielle selon les prévisions de la banque Goldman Sachs, des estimations revues depuis la récente vague de l’IA conversationnelle et des LLM, les Large Language Models. Goldman Sachs estime que 18% du travail va être informatisé à l’échelle mondiale.
Ces chiffres divisent pour le moins la communauté des chercheurs en IA, à l’instar de Yann Le Cun (le patron de la division IA chez Meta) qui a appelé à “se calmer” sur son compte LinkedIn. Une pétition a été signée par une partie de la communauté (1500 personnes) pour stopper les avancées sur une période de 6 mois. Les débats ne sont pas prêts de s’arrêter… On en parle plus bas avec Loic Le Meur.
Les News :
Munitions contre vidéos de chats
L’un des plus grands fabricants de munitions en Europe, le norvégien Nammo, est face à un dilemme pour le moins surprenant… Son usine de Raufoss, en Norvège, dont la production augmente avec la guerre en Ukraine, se retrouve dans une petite bataille énergétique avec le Chinois TikTok.
L’entreprise d’artillerie, comme nous l’apprend le Financial Times, doit en effet planifier les besoins énergétiques de ses usines, et ne peut pas, pour l’heure, compter sur la fourniture excédentaire d’énergie disponible du réseau local… L’entreprise chinoise de vidéos a en effet établi dans la région plusieurs data-centers très énergivores, et prévoit d’en installer d’autres d'ici à 2025. Le réseau électrique local Elvia avait attribué en premier à TikTok les capacités nécessaires pour la fourniture de ses centres serveurs. Au grand dam de Nammo qui arrive après sur la liste…
"Nous sommes inquiets car nous voyons que notre croissance future est mise à l'épreuve par le stockage de vidéos de chats", a déclaré Morten Brandtzæg, directeur général de Nammo, au Financial Times.
L’énergie est au centre d’intenses débats, en particulier dans les pays nordiques qui disposent de bonnes conditions pour le stockage de données. Mais les industries dites stratégiques, en particulier le militaire, doivent faire face à augmentation de la production de minutions multipliée par 15 par rapport à la normale.
27 millions d’Indiens privés d’Internet
On apprend dans Wired cette semaine que 27 millions de personnes ont été coupées d’Internet pendant plusieurs jours, dans la région du Pendjab en Inde. En cause: la traque d’un séparatiste sikh, Amritpal Singh Sandhu, accusé de “menacer la sécurité nationale”, car appelant à créer un état indépendant, le Khalistan. Le gouvernement indien a exigé de Twitter qu’il bloque plus de 120 comptes, dont ceux de journalistes et des figures politiques pour stopper la diffusion de messages en faveur de Sandhu.
Transition énergétique: le Japon s’aligne sur les USA
Les États-Unis et le Japon ont conclu un accord qui encadre la production des minéraux pour fabriquer les batteries de voitures électriques. Un accord qui vise à être élargi avec d’autres partenaires commerciaux dans une bataille mondiale dominée par la Chine.
Cette entente avec le Japon s’inscrit dans l’Inflation Reduction Act, un plan critiqué par certains pays, financé à hauteur de 350 milliards de dollars pour la transition énergétique. L’Europe, en l’occurence, ne s’est pas encore alignée sur les règles américaines, qui promeuvent l’instauration de normes ESG (“Environmental, Social and Governance”) comme un atout concurrentiel face aux pratiques chinoises.
Extrait de l’interview de Guillaume Pitron dans Hors Normes du 03 mars 2023 :
“'(…) Il y a une réelle géopolitique des métaux rares qui se cristallise, avec des partenariats qui commencent à se consolider dans certains pays, autour de normes communes. On voit se dessiner de nouvelles alliances stratégiques, sans pour autant qu’il y ait de conflit.
C‘est encore trop tôt pour le dire, mais les USA et l’Europe sont en train de poser leurs normes d’exploitation des minerais sur les bases ESG. La Chine craint que ce soit une façon de les éjecter de ces marchés”.
Interview
Loic Le Meur : “Le monde a envie d’avoir peur”
Loic Le Meur a fait venir une partie des leaders de la Silicon Valley à Paris pendant plus de 10 ans. Parmi eux, Elon Musk et Reid Hoffman, le co-fondateur de LinkedIn et investisseur de ChatGPT. L’entrepreneur, qui a repéré très tôt les entrepreneurs devenus depuis des leaders mondiaux, porte un regard différend sur le microcosme américain. Sans doute grâce au recul qu’il a pris auprès de leaders spirituels d’Amazonie.
Comme les patrons d’Uber, de Tesla, ou d’Airbnb, Loic Le Meur invite les chefs amazoniens à la conférence Paua* à livrer leur vision du monde en mai prochain. Il sera question autant de technologies anciennes que de technos contemporaines.
Marion Moreau: Que penses-tu de la pétition lancée par Elon Musk et une partie de la communauté scientifique de l’IA de stopper les recherches pendant 6 mois ?
Loic Le Meur: J’ai eu la chance de connaître Elon Musk. J’ai beaucoup d’admiration pour lui, pour ce qu’il a créé avec SpaceX ou Tesla. Mais il faut quand même se rappeler qu’il est en train de créer Neuralink, ces implants qu’on met dans le cerveau…Il a essayé de faire jouer des singes à des jeux vidéo... C’est encore plus effrayant que l’IA…!
Personnellement, je ne signerais pas cette pétition. Je n’ai pas tellement peur de l’IA. J’ai d’ailleurs testé ChatGPT, je m’en suis servi, et j’ai trouvé que c’était bien, par exemple pour la grammaire. Mais le sentiment que j’ai eu, c’est que ça enlève une petite partie de l’humanité, les notes d’humour dans un texte par exemple. On est très loin d’une conscience et d’une menace. On parle d’une machine pour aller plus vite. C’est différent.
Le monde a envie d’avoir peur. L’année dernière, on avait peur des cryptos et maintenant c’est L’IA.
Je m’inquiète de la capacité de tout le monde à avoir peur.
Tu as donc côtoyé Elon Musk, un personnage puissant et complexe… D’après toi, après quoi court-il… ?
Je suis un peu inquiet depuis son rachat de Twitter, car c’est un peu une démonstration d’égo finalement… Mais ce n’est pas nouveau… Regardons les milliardaires qui achètent des médias en France… Au lieu d’acheter Les Echos ou Le Monde, il a acheté Twitter. En étant le“super user” de Twitter, il est devenu le “super Elon”. (…) Quand Elon Musk annonce son projet de coloniser la planète Mars, c’est parce qu’il pense que l’humanité va s’arrêter, et il entretient cette peur. La peur domine aujourd’hui, regardez le mouvement de panique de La Silicon Valley Bank, elle illustre aussi cette peur…