Hors-Normes #17
La Chine riposte avec les câbles Internet sous-marins... Après TikTok, prochain sujet de tension: les batteries électriques...
Le mot de la semaine : French Tech
La French Tech a 10 ans, elle devait initialement s’appeler “Paris, quartiers numériques”. Si aujourd’hui Bpifrance est fière de constater que deux tiers des startups de la deep tech sont basées en région, on peut se féliciter d’un changement de mindset, car il y a 10 ans, la “province” n’était pas du goût de Paris : “Pourquoi tu vas à Clermont-Ferrand? Y’a rien là-bas”, “Je n’investis jamais en dessous de la Loire” ai-je entendu… Reste à savoir comment réconcilier les heureux Français arborant le petit coq rouge pour faire rayonner nos 27 licornes, et certains “capitaines” historiques ahuris de certaines méthodes au point d’en quitter le navire.
Le chiffre de la semaine : 30 millions de Kenyans paient avec l’app M-Pesa
L’application de paiement mobile M-Pesa, lancée en 2007, par Safaricom et Vodaphone est un réel succès, dans ce pays qui compte plus de 50 millions d’habitants. Selon les données de la Banque centrale du Kenya (CBK), les transactions via mobile représentent plus de la moitié du PIB au Kenya. M-Pesa contrôle 99 % du marché, mais-statistique oblige- attire aussi de plus en plus de fraudeurs.
Lire l’article de Rest Of World
Le prochain sujet de tension: les batteries électriques
L’américain Ford signe avec le chinois CATL, Tesla pourrait suivre le pas
La guerre des semi-conducteurs peut en cacher une autre. C’est celle des batteries électriques destinées, en grande partie, à l’équipement des véhicules électriques. Une entreprise chinoise, du nom de CATL (Contemporary Amperex Technology), fait déjà figure d’empire, avec plus d’un tiers des parts de marché mondial de batteries électriques à son compteur. On dit de cette entreprise qu’elle a généré plus de milliardaires que Google et Facebook…

De l’électronique rechargeable grand public à la batterie automobile
Lancé en 2011, CATL est le fruit d’une spin-off du groupe ATL (Amperes Technology Limited), elle-même créée en 1999 par Robin Zeng, un ingénieur en chimie, qui s’était lancé dans la production de batteries rechargeables lithium-ion, destinée à l’électronique grand public (téléphones portables, laptops, iPods, Mac Book d’Apple etc…). CATL vise alors le marché des batteries automobiles, propulsé par un partenariat avec BMW.
Un saut de grenouille plus tard (comme le dit Pierre Haski dans sa chronique dédiée au rival BYD), CATL voit son activité exploser par la demande de l’industrie automobile en pleine mutation, séduite par les prix attractifs du géant chinois, mais surtout par sa technologie frugale et performante appelée LFP (Lithium Fer Phosphate), alternative au cobalt et nickel, plus chers à extraire et à transformer. Récemment, le constructeur de voitures américain Ford a signé un accord de licence technologique avec CATL, qui va déboucher sur la construction d’une usine dans l’Etat du Michigan pour 3,5 milliards de dollars fournissant localement 2500 emplois. Dans la foulée, Bloomberg rapporte que Tesla serait en ce moment en pourparlers pour implanter une usine au Texas, toujours en collaboration avec le chinois CATL. Une collaboration qui peut paraître naturelle puisque l’entreprise d’Elon Musk dispose d’une gigafactory à Shanghai depuis 2020.
En Europe, on apprécie aussi de collaborer avec CATL, en Allemagne depuis 2014 et plus récemment en Hongrie.
Des investissements continus depuis 2015
Pour en arriver là, l’entreprise de Robin Zeng a bénéficié de subventions gouvernementales continues depuis 2015, elle était listée comme l’une des 50 entreprises nationales stratégiques dans le secteur automobile, jusqu’à son entrée en bourse en 2018 à Shenzhen. Une politique de long-terme qui lui permet aujourd’hui de concrétiser la vision de départ formulée par l’un des neuf dirigeants de l’entreprise: “ À long terme, CATL continuera à viser l’objectif de remplacer les combustibles fossiles dans les systèmes d’énergie fixes et mobiles par des systèmes d’énergie électrique hautement efficaces générés par des batteries avancées et des énergies renouvelables”. En clair, coller à la transition énergétique du monde, donc des Occidentaux.
Cuisine chinoise et dépendance mondiale
Cette transition énergétique, dogmatisée par l’'IRA (Inflation Reduction Act) aux Etats-Unis, est-t-elle en passe de se transformer en conflit ouvert, tant économique et que géopolitique ? Économiquement, oui, puisque l’IRA oblige les entreprises américaines à collaborer avec des fabricants ”maison”, et des partenaires historiques, la Corée du Sud par exemple ( Samsung, LG…) Faute de quoi les pénalités sont lourdes : pas d’aides incitatives ni de crédit d’impôts pour l’industrie automobile qui ne se conformerait pas à la “doctrine” IRA.
Mais il y a un problème, largement relevé par les experts depuis l’annonce du partenariat de Ford avec CATL. Ce dernier est aujourd’hui en mesure de proposer des tarifs très attractifs de ses batteries, parce que l’entreprise a sécurisé de grandes quantités de lithium, dont le cours grimpe, grâce à ses investissements directs dans des filiales d’extraction minière, en Chine, en Australie, en République démocratique du Congo ou encore en Bolivie.
Politiquement parlant, il y a, selon les analyses du Financial Times ou du MIT Review, quelques “sujets” qui dépassent la conjoncture et chaque puissance pourrait bien s’en servir : en Chine, on rapporte que Xi Jinping regarde CATL à la loupe comme il l’a fait pour Alibaba en plein démantèlement, ou Huawei, sur lequel il veut garder le contrôle. Aux États-Unis, quelques membres du Congrès, fidèles à la politique de découplage de Biden, appellent à réagir depuis l’annonce de Ford-CATL et les spéculations autour de Tesla. La guerre des batteries électriques, dans la continuité de celle des semi-conducteurs et de TikTok, ne fait que commencer.
Un tour des news
Non aux trottinettes, oui aux taxis volants
Paris abandonne les trottinettes mais autorise les taxis volants… Coup de communication, science fiction ou réalité prochaine ? Les Jeux Olympiques sont pour l’heure l’occasion d’annoncer toute sorte d’innovations. Qu’on y croit ou pas, sachez que Stellantis a investi 150 millions de dollars sur le sujet, comme le rapporte RFI.
Dans tous les cas, Henri Moissinac, le fondateur de la startup Dott a publié un post regrettant évidemment le sort donné à ses 400 000 trottinettes en libre-service, sans pour autant jeter l’éponge… Il est vrai que les appels d’offres sur ce moyen de transport ont plusieurs fois changé de critères depuis 2019, on n’est donc pas à l’abri d’un rebondissement dans la Ville lumière…
L’Italie bloque ChatGPT
Nos amis les Italiens ne veulent pas d’Open AI, l’éditeur de l’agent conversationnel ChatGPT. Les autorités ont tout simplement banni le service. En France, la question ne se pose pas, il est plutôt question de réguler, comme le dit Jean-Noël Barrot, Ministre de la Transition Numérique.
Eric Schmidt ne veut pas de moratoire sur l’IA
L’ex patron de Google et meilleur leveur de fonds publics pour la Silicon Valley - il dirige entre autres un think tank baptisé Special Competitive Studies Project- ne souhaite pas de pause dans la recherche en IA, contrairement à Elon Musk et un millier de chercheurs qui l’ont rejoint sur une pétition. Schmidt est persuadé que cela permettra à la Chine de continuer ses avancées en la matière, comme il l’a déclaré ici dans cette interview au média australien AFR.
Câbles sous-marins : la Chine contre-attaque
Alors que la Chine s’était retirée du projet il y a quelques semaines, Reuters annonce qu’elle s’engageait finalement sur la construction d’un câble sous-marin de connexion Internet qui relierait l'Asie, le Moyen-Orient et l'Europe. Baptisé EMA pour Europe-Moyen-Orient-Asie, ce câble financé à hauteur de 500 millions de dollars reliera Hong Kong à la province de Hainan avant de rejoindre Singapour, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et l’Egypte pour arriver en France, très certainement via le hub de Marseille.
Un projet d’envergure qui vise à riposter vis-à-vis des USA, et du câble américain en cours de construction, le “SeaMeWe-6” qui relie l’Asie du Sud est à l’Europe de l’Ouest. Comme le dit Pierre Haski dans l’édition du 17 mars dernier : ”Si on cherche un lieu où technologie et géopolitique se croisent, il suffit d’aller voir au fond des mers et des océans !”
La chronique de Bruno Gensburger
La chronique de Pierre Haski
Soutenez Hors Normes, aidez-nous à vous donner + d’infos, abonnez-vous pour seulement 75 euros/an. Merci !