Hors Normes #36
Y’aura-t-il des Chips à Noël ?
La saga des puces électroniques continue. Alors que la politique de sanctions américaines tente de freiner les ardeurs de la Chine dans la production de semi-conducteurs pour les hautes technologies, en particulier les puces indispensables au fonctionnement de l’IA, le géant chinois des équipements telecoms Huawei, qui a lancé un smartphone de dernière génération, le MAT 60 Pro ( lire la chronique de Pierre Haski) construit secrètement une usine de puces électroniques dans le sud de la Chine, aidé par plusieurs entreprises taïwanaises. Un imbroglio qui révèle les interdépendances entre Pékin et Taïwan, et à quelques semaines de l’élection présidentielle sur l’île.
Aux Etats-Unis, l’Américain Nvidia ne veut pas se couper du marché chinois, et va lancer trois puces spéciales, une nouvelle tentative après que le gouvernement lui ait interdit de vendre deux de ses puces performantes en Chine en octobre 2022. En attendant, tous les « hyperscalers » s’agitent sur le sujet des chips, et en particulier Google, qui met les bouchées doubles en collaborant avec Anthropic, la startup concurrente d’openAI, qui propose que vous parliez à Claude, plutôt qu’à ChatGPT.
Intel, acteur historique dans la production de composants électroniques, tire largement profit des investissements renforcés sur l’IA pour des raisons de sécurité nationale : 53 milliards de dollars provenant du Pentagone et votés en février dernier.
📡 De Spoutnik à Starlink : l’Internet satellitaire, un enjeu géopolitique
Alors que Joe Biden et Xi Jinping se rencontrent demain à San Francisco pour rétablir la communication entre les deux pays - les experts parlent de “military-to-military channels”- l’ensemble des états-membres de l’Union internationale des Télécommunications (l’ONU des telecoms) se retrouvent à Dubaï dans quelques jours. Objectif : revoir et définir les attributions de fréquences des communications mondiales, et en particulier satellitaires, pour des usages civils, scientifiques et militaires.
Internet partout sur la planète, mais…
Couvrir la planète en connectivité est l’une des priorités de l’ère numérique, et fait entrer le secteur privé dans l’industrie du spatial. Fin 2021, on comptait 4 900 satellites en orbite autour de la Terre. Deux ans plus tard, Starlink, l’opérateur de satellites fondé par Elon Musk, en lançait 2000 autres au dessus du globe, faisant peser l'industrie des satellites près de 447 milliards de dollars. Selon Mc Kinsey et le Forum économique mondial, le marché pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars d'ici 2030.
Les constellations intéressent particulièrement les acteurs pour garantir une connectivité qui verrouille et complète leur propre écosystème. C’est le cas d’Amazon, qui vient de réussir le lancement de deux premiers satellites, pré-configuration de sa constellation Kuiper avec 3 326 satellites en orbite, commercialement opérationnels au second trimestre 2024.
T-Mobile et Space X ont aussi passé un accord ensemble pour apporter la connectivité Internet sur de larges zones.
Depuis l’épisode Starlink en Ukraine en 2022, qui a clairement défini le rôle que peut jouer un acteur privé en temps de guerre moderne, se pose maintenant la question des réalités géopolitiques, terrestres cette fois, liées à l’accélération de l’Internet satellitaire : les conflits notamment, comme on l’a vu en Ukraine, vont-ils amener une part de l’industrie en dehors de leur champ ? Les enjeux commerciaux d’aujourd’hui seront sans doute, comme dans l’Histoire de l’ère numérique, des réalités politiques de demain.
🆘 SMS d’urgence universel : friture sur la ligne ?
Fournir un solution d’alerte mobile en cas d’urgence, à n’importe quel endroit de la planète, c’est le rêve des opérateurs depuis belle lurette, c’est aussi un argument commercial : les acteurs dégainent déjà des offres : T-Mobile, Apple, Samsung, Android, et d’autres commencent à proposer des communications d’urgence payantes (textes, voix). Mais selon un expert que nous avons interrogé, le rêve du « smartphone to satellite » se révèle plus compliqué : « Apple limite déjà ses zones, et exclut par exemple certaines zones géographiques comme le Proche-Orient ou la Russie. Je pense que ça va poser des problèmes dues à la géopolitique, les opérateurs ne pourront pas se permettre de se mettre en risque sur des zones où il y a des conflits ».
Svoboda !
Reporters Sans Frontières, ONG internationale de la liberté de la presse, et le Comité Denis Diderot, un collectif d’experts des médias, viennent de signer un accord inédit avec l’opérateur satellite Eutelsat. L’opérateur s’était vu accusé de continuer à permettre la diffusion de chaînes de propagande russes, peu après le début de la guerre en Ukraine. L’Arcom, le régulateur, s’était déclaré incompétent sur l’épineuse question, et c’est le Conseil d’Etat qui avait donné raison à RSF l’année dernière, poussant Eutelsat à rester vigilant sur le sujet. Cette fois, le premier opérateur européen joue le premier de cordée, en attribuant un transpondeur sur l’un de ses satellites à RSF, satellite dont on ne connaît évidemment pas le nom.
Svoboda, qui signifie “liberté” en russe, représente une avancée significative dans la quête d'un accès libre à l'information dans une région où les médias sont confrontés à de nombreux défis. Le bouquet permettra aux téléspectateurs russophones d'accéder à une large offre de d'informations issus de médias indépendants russes en exil et internationaux, afin de favoriser un paysage médiatique plus diversifié.
Svoboda est donc le nom de ce bouquet satellitaire qui diffusera des contenus journalistiques ( vidéos, podcasts etc…) avec le concours d’associations et de rédactions, en langue russophone : “Les producteurs de contenus seront soit des diffuseurs internationaux, des chaînes internationales de langue russe, soit des productions indépendantes russes en exil”, précise RSF.
→ Nécrologie 🪦: Et puisqu’on parle de presse indépendante, on ne peut que regretter la fin de China Project, anciennement connu sous le nom de SupChina, créé en 2016. Le média basé à New York, animé par Jérémy Goldkorn et des contributeurs comme Kaiser Kuo (ex-Baidu), ferme son site d’informations, très pointu sur les actualités politiques, business, technologiques et scientifiques chinoises. Preuve qu’il n’est pas facile de décrypter la Chine de façon neutre, y compris depuis les USA…
Le cuivre fait chauffer l’état du Panama
Trois semaines de manifestations intenses, des blessés et deux morts secouent le Panama. En cause : les dégâts environnementaux et les risques de pollution dues à l’exploitation d’une mine de cuivre à l’ouest du pays. Cette mine représente à elle seule 4 % du PIB du pays, mais une forêt tropicale la couvre en partie.
Pour calmer le jeu, le président du Panama, Laurentino Cortizo, a promulgué début novembre un moratoire d’une durée indéterminée sur les nouvelles concessions minières. Mais le 20 octobre dernier, son gouvernement a approuvé le renouvellement pour vingt ans de la concession de la plus grande mine de cuivre d’Amérique centrale, par la société Minera Panama, une filiale de la société canadienne First Quantum Minerals.
Le Pérou, lui, veut libérer tout son potentiel de minerais
Au Pérou, ce n’est pas la même ambiance… Le cuivre fait monter cet état à la deuxième place du podium mondial. Ses activités minières (cuivre, or, fer, et métaux rares) représentent près de 9% de son PIB, et 65% de ses exportations. Récemment, le ministre péruvien de l'énergie et des mines, a déclaré que le pays avait pour objectif de “revenir dans la cour des grands en libérant tout son potentiel minier”.
📖 Ne manquez pas :
China’s Age of malaise, par le New Yorker
Des responsables du parti du disparaissent, les jeunes travailleurs sont « à plat ventre » et les entrepreneurs fuient le pays. Qu’est ce que la tourmente à l’intérieur de la Chine signifie pour le monde ?