Hors Normes #5
Chronique de Pierre Haski... L'UE cherche à taxer les acteurs tech...L'Allemagne, poubelle de l'Europe...
L’Inde peut-elle devenir la « nouvelle Chine » ?
Chronique de Pierre Haski
L’Inde peut-elle vraiment rivaliser, remplacer, voire dépasser la Chine comme base de production et d’innovation technologique ? C’est la grande question que se posent les entreprises et les gouvernements occidentaux à l’heure d’un possible « découplage », au moins partiel, avec la Chine. Une partie de la réponse est déjà contenue dans la question, car l’Inde se vit depuis des années en rivalité avec la Chine, sans avoir réellement pu réaliser son ambition, en partie à cause de ses propres contraintes et limites.
Les signes sont pourtant plus encourageants que jamais. L’Inde connaît une croissance désormais rapide, et un développement technologique impressionnant. Les experts indiens pronostiquent que l’Inde deviendra la troisième économie mondiale avant la fin de la décennie, avec un PIB qui devrait doubler, de 3 400 milliards de $ aujourd’hui à 8 500 milliards de $ en 2027. Selon une étude, l’Inde pourrait générer un quart de la croissance mondiale au cours des dix prochaines années, remplaçant ou complétant le rôle de la Chine comme locomotive de la croissance mondiale.
Certains signes ne trompent pas. Apple a installé en Inde sa deuxième chaîne de production d’iPhones, jusque-là concentrée en Chine. C’était bien vu avec les perturbations économiques et sociales dues au Covid en Chine ces derniers mois. L’Inde a plusieurs atouts, aussi bien des grands groupes industriels capables d’investir, et une main d’œuvre qualifiée, il suffit de voir le nombre d’Indiens dans les entreprises de tech américaine, y compris parmi les CEO… Mais elle a aussi ses handicaps, notamment une bureaucratie pesante et un État souvent dysfonctionnel, qui ont longtemps été des freins.
La question reste donc ouverte, mais est assurément l’une des grandes interrogations géopolitiques des prochaines années, liée aussi bien à l’évolution de la Chine dans sa confrontation larvée avec les États-Unis, qu’à sa propre révolution culturelle.
Pierre Haski est journaliste expert en relations internationales sur France Inter et à l’Obs, et Président de Reporters Sans Frontières.
Semi-conducteurs : une guerre militaire
C’est une étude de Chris Miller, auteur du livre Chip War sorti en octobre dernier, que vient de publier le Grand Continent, détaillant très bien la guerre qui se joue entre grandes puissances, et si bien illustrée par cette phrase:
Xi Jinping est plus inquiet de devoir subir un blocus mesuré en octets qu’en barils
La guerre des semi-conducteurs est bien au coeur de la bataille commerciale, mais elle est, selon l’auteur, en premier lieu militaire. Les puces électroniques servent en effet à équiper les équipements de défense, mais elles sont aussi indispensables à la guerre informationnelle qui s’est imposée dans les conflits de ces 20 dernières années. Dans l’article, le triptyque “données, algorithmes, puissance de calcul” nous éclaire davantage sur les tactiques employées par les puissances, et qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets…
Électronique-Europe: “Les Allemands sont déloyaux, c’est la poubelle de l’Europe”
C’est Philippe Albrieux, le patron du Circuit Imprimé Français qui nous le dit. À la tête de l’entreprise qui fabrique des équipements pour l’électronique depuis 40 ans, l’entrepreneur ne mâche pas ses mots et fustige le manque de contrôle sur l’approvisionnement des produits: “En Allemagne, certains produits, comme les fours nécessaires à la production de composants, sont d’origine chinoise mais étiquetés Made in Germany. C’est parfaitement déloyal”, dit le chef d’entreprise. Philippe Albrieux dénonce une politique inégale entre pays européens sur la traçabilité des produits, qui a des répercussions sur la concurrence. “On parle de souveraineté en Europe, mais on voit une autre réalité sur le terrain. L’Allemagne, en particulier, n’est pas aussi regardante et n’hésite pas à revendre des produits chinois, alors que nous, Français, jouons le jeu de la production locale et du contrôle qualité”. Un constat qui conduit le patron à miser cette année sur le bassin méditerranéen et les pays de l’Est, la Roumanie et l’Autriche.
Telecoms-Big Tech: La Commission européenne relance un projet de taxe numérique
C’est reparti pour une nouvelle bataille. Après l’échec de la taxe numérique en 2021, qui visait les GAFAM réalisant plus de 20 milliards de CA et un taux de rentabilité supérieur à 10%, la Commission Européenne revient en force, cette fois, en demandant des comptes aux multinationales qui font tourner la moitié du trafic Internet mondial. Selon les informations de Reuters, elle va lancer dans quelques jours une consultation en demandant aux Big Tech (Google, Netflix, Amazon, Meta) de donner leurs plans d’investissements, en particulier sur les infrastructures Cloud. Elle demande le même exercice aux principaux opérateurs telecoms, en vue de réguler les coûts liés au trafic Internet. Cet audit vise une législation pour faire payer aux Big Tech sous la forme d’une redevance du réseau, selon les informations de Reuters.
Chine-E-commerce: Didi revient en ligne
Preuve que l’économie chinoise cherche à se refaire une santé, le service de transport VTC Didi est de nouveau autorisé à émettre ses 25 applications, selon Reuters. Didi, société lancée à Pékin en 2012, est vue comme l’une des principales victimes de la politique de régulation très sévère vis à vis des acteurs technologiques chinois. Didi, qui s’était lancé en Bourse à New York en 2021, s’est vu infliger une amende de 1,2 milliard de dollars par le régulateur chinois, et une interdiction de commercialiser ses services en ligne. Didi va donc pouvoir être de nouveau disponible à un moment crucial : celui du Nouvel An lunaire et les périodes vacances pour de nombreux voyageurs. Cette décision des autorités fait écho à l’autorisation donnée au géant du e-commerce et du gaming Tencent de sortir de nouvelles licences de jeux. Signe que l’économie chinoise, en berne depuis la crise du Covid, doit repartir, pariant sur la croissance de ses acteurs technos.
反华势力- Les forces anti-chinoises, par Bruno Gensburger
Si d’aventure il vous prenait un jour l’idée de nuancer votre admiration pour la diplomatie chinoise, pour le génie (asymptomatique) de son dirigeant suprême ou pour sa fascinante méthode de gestion du Covid-19, vous risqueriez aussitôt de passer aux yeux du Régime pour un suppôt des forces anti-chinoises. Mais, me direz-vous, qui sont donc ces forces qui veulent « affaiblir, humilier, diviser le pays pour l’empêcher de se développer et de diffuser mondialement ses valeurs multi-millénaires de sagesse, d’harmonie et de paix ? »
La réponse est simple : ce sont des gens qui soit ne connaissent pas la Chine, soit sont jaloux de ses succès intérieurs et extérieurs, ou bien qui sont animés d’arrière-pensées colonialistes, impérialistes et racistes. Qu’ils soient financés par les Américains, les indépendantistes taïwanais, le Dalaï-Lama (le Loup-en-Robe-de-Bure), les complices des terroristes Ouïghours ou par la FIPEP (Fédération Internationale pour l’Extermination des Pandas), ils ont tort de s’opposer au Rêve chinois (中国梦) car leurs visées sont vouées à l’échec.
Mais heureusement, comme le disait Son Excellence l’ambassadeur de Chine en France, M. LU Shaye, lors d’une de ses immortelles saillies diplomatiques aux caractéristiques chinoises : « Une fois qu’on les aura rééduquées, elles seront moins hostiles. »
Bruno Gensburger est interprète de conférence en mandarin et conseiller en diplomatie des affaires.