Hors Normes #25
ChatGPT menace les jobs frauduleux au Kenya... La Jordanie, nouveau circuit de prédilection pour le constructeur chinois BYD... Arm dans une tempête géopolitique
“ Alexa! Où est Amazon ? “
Une grande partie de la planète parle de ChatGPT et de l’intelligence artificielle. Pour le confirmer, il suffit de rechercher sur Google Trends: regardez, vous serez surpris, la Chine en N°1 des requêtes….
Mais dans tout ce bruit, une question me taraude: où est Amazon ?
L’entreprise de Jeff Bezos, qui dispose d’infrastructures Cloud parmi les plus puissantes au monde, est valorisée plus 700 milliards de dollars, tient la 2ème place du marché du search aux USA, et fabrique elle-même ses composants, a certainement une idée derrière la tête. Jeff Bezos a vendu plus de 100 millions d’Alexa, ces assistants intelligents pour la maison. L’IA grand public pour résumer. Quelle est l’étape d’après, selon vous…?🧐 M.M
Les News
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
ChatGPT menace les jobs… frauduleux au Kenya
Avec un taux de chômage qui a doublé depuis 2016, le Kenya a développé une économie alternative (les gig workers) et en particulier celle des free-lances tricheurs, très utiles aux étudiants des grandes universités occidentales. On estime à 70 000 le nombre de “ghostwriters” qui planchent à la place des étudiants américains par exemple. Des plateformes comme Ace-MyHomework ou EssayShark se sont lancées sur le Web, et ce en dépit de l’interdiction formelle de tricher par 17 états américains.
Mais ChatGPT vient largement plomber les revenus parfois très intéressants de ces fraudeurs de l’ombre, revenus pouvant varier de 900 à 1200 dollars par mois en 2022. Rest Of World nous apprend dans une enquête que ChatGPT fait descendre ces revenus à 400 dollars pour les ghostworkers, qui voient le nombre de demandes drastiquement baisser.
L’Union européenne et les USA pour un “pacte” sur l’IA
Dans la foulée du récent G7 et du momentum “Hiroshima AI Process”, L’Europe a élargi ses travaux de régulation (IA Act) avec deux initiatives volontaires d’ici à l’adoption du futur règlement. Il s’agit d’un “pacte pour l’IA” et d’un code de conduite permettant aux entreprises et aux institutions de se préparer aux impacts de l’IA. Hors Normes a voulu en savoir plus auprès d’Emilie Rannou, experte en data-science, Partner d’Ekimetrics, et auteur d’un rapport avec 12 recommandations sur les Deep Fakes paru en 2020 (voir l’interview en vidéo):
1 - Les propositions de régulation de l’IA de l’Union Européenne vont-elles dans le bon sens ?
Pour le moment, je ne vois pas suffisamment de contraintes imposées aux plateformes. Le sujet de filigranes/watermarks invisibles commencent à être discutés, c’est d’ailleurs une recommandation fondamentale de notre rapport sur les deep fakes, pour avoir plus de possibilités de détecter les deepfakes, mais l’UE avance lentement dessus. La Chine a imposé cela en janvier 2023.
2 - Le « code de conduite » qui est notamment sur la table est il réellement applicable ?
Le code de conduite, de ce que j’en comprends, sera sur la base du volontariat et très axé sur la publicité mensongère. Il y a encore beaucoup de publicités mensongères et les progrès à faire pour éviter les fausses publicités sont conséquents. Par ailleurs, le vrai problème de désinformation est selon moi dans la génération de contenus et pas uniquement vidéo mais aussi de textes et de sons, notamment avec l’ampleur que prend ChatGPT et autres outils qui rendent la création de faux contenus à l’aide de l’IA accessibles à tous
3 - Comment voyez-vous globalement les avancées liées à l’IA générative ?
Les avancées sont exponentielles et les IA génératives ne cessent de s’améliorer grâce à l’augmentation des données et des collectes de feedbacks (beaucoup utilisent le reinforcement learning,* un algorithme avec une feedback loop pour améliorer et faire converger les algorithmes vers le contenu le plus réaliste). Néanmoins, peu d’effort est mis sur la détection de faux contenus, aucun algorithme de détection de faux texte ou d’image ne fait référence aujourd’hui.
4 - Quels peuvent être les freins possibles au développement de ces IA ?
Je pense que le frein sera écologique, car entraîner les modèles consomment beaucoup en CO2. Mais il y aura aussi un frein financier des coûts de calcul (consommation cloud). C’est la raison pour laquelle OpenAI est allé chercher du financement côté Microsoft. Ceci dit, des modèles plus petits apparaissent déjà comme performants donc ce sera probablement moins important dans le futur. Je pense qu’il faut freiner les entreprises à se reposer totalement sur l’IA générative pour des décisions importantes: OpenAI a publié une nouvelle lettre pour dire que l’IA créait un risque d’extinction. Chez Ekimetrics, nos solutions d’AI générative précisent bien les références utilisées. Nous travaillons beaucoup sur l’explicabilité et la causalité.
→ *Note: Le “reinforcement learning” est une technique très répandue de machine learning qui consiste à “récompenser” les machines pour les pousser à produire de meilleurs résultats.
China Telecom : des plans ambitieux en IA et en informatique quantique
China Telecom prévoit d’ouvrir un immense data center à Shanghai, qui doit héberger 40 000 unités de stockage de données. Une infrastructure qui doit assurer les besoins en puissance de calcul et en traitement graphique liés à l’intelligence artificielle. China Telecom, le troisième opérateur mobile du pays, vient également d’investir 434 millions de dollars dans la recherche en informatique quantique. Une annonce qui suit celles déjà faites par d’autres opérateurs de s’armer sur le sujet, comme Deutsche Telecom, Vodaphone/IBM et British Telecom.
CRYPTOWORLD
Binance supprime les cryptos anonymes
Voilà ce qui aurait dû motiver les régulateurs dès le début des réseaux sociaux: l’interdiction de l’anonymat. Binance, la plus grande plateforme d’échanges de cryptomonnaies, se conforme à la réglementation européenne et n’autorisera plus, dès la mi-juin, les privacy coins, comme le dash ou le monero, qui ne tracent pas la blockchain associée. Binance, en privilégiant les monnaies “pseudonymes”, le Bitcoin ou l’ether par exemple, s’aligne sur le MiCA (Market in crypto assets), instauré dans l'espace européen pour lutter contre la fraude financière.
ELECTRIC CARS
La Jordanie, nouveau circuit de prédilection pour le constructeur chinois BYD
Le plus important fabricant de voitures électriques BYD accélère en Jordanie, comme le rapporte Rest Of World.
En mars dernier, BYD a lancé un premier partenariat officiel dans la région, avec le distributeur jordanien Mobility Solutions Auto Trade Company. BYD est aussi présent depuis peu aux Émirats arabes unis.
Entre 2019 et 2022, les exportations automobiles chinoises ont triplé, dont près de 22 % de véhicules à énergie propre. BYD a vendu plus d’un million de ses véhicule électriques en seulement 5 mois.
Le chinois (relire la chronique de Pierre Haski “BYD ou la stratégie du saut de grenouille”) fait déjà figure d’empire de l’industrie, pas seulement du milieu, mais du reste du monde.
Musk en Chine
Il est un peu le meme de notre époque : Elon Musk s’est rendu en Chine visiter sa gigafactory à Shanghaï. Alors que les USA mènent une vraie guerre économique à la Chine, Musk est reçu en “camarade de la Chine” comme le rapporte Le Monde. Une visite de chef d’Etat, qui rappelle celle de Tim Cook il y a quelques semaines, et bientôt celle de Jensen Huang, le CEO d’Nvidia. Un ballet diplomatique tellement bien mené qu’il en a fait tomber Joe Biden…
SMARTPHONES
Travail : Apple et Foxconn font du lobbying en Inde
Alors qu’Apple intensifie sa production en Inde, on apprend par Rest Of World que des syndicats de travailleurs indiens ont récemment déposé une plainte auprès de l'Organisation internationale du travail. En cause, la modification d’une législation dans l’Etat du Karnataka sur le droit de travail, qui autorise une entreprise à étendre de 9 à 12 heures le temps passé en usine, sur 6 jours de travail consécutifs par semaine. Les groupes de défense indiens de l’Etat de Karnataka s’insurgent du lobbying actif de la part d’Apple et son assembleur Foxconn. Une information reprise le Financial Times.
CHIPS
Arm dans une tempête géopolitique
L’écosystème des semi-conducteurs vit un tournant historique de son histoire, en raison de l’explosion de la demande en composants tirée par l’IA, la blockchain, les cryptomonnaies et le reste des industries, mais pâtit aussi du contexte géopolitique et des mesures de répression économique dictées par les USA face à la concurrence chinoise. Alors que l’américain Nvidia a récemment vu sa valorisation atteindre 1000 milliards de dollars, la Chine réplique en appelant le britannique Arm à garder un pied sur le continent.
Le vice-ministre chinois des sciences et des technologies Zhang Guangjun a exhorté Arm, qui fabrique les design nécessaires à la fabrication des puces électroniques, à collaborer activement avec les universités, les instituts de recherche et les entreprises chinoises. Rene Haas, le Directeur général d’Arm, était en visite à Pékin mardi dernier, juste après une visite sur le salon Computex à Taïwan pour annoncer de nouvelles prouesses technologiques, en particulier des performances des futurs smartphones, mais aussi celles des composants requis ( puces comprises) pour faire tourner de puissants modèles d’intelligence artificielle.
Arm China contre Softbank
Arm, cette société basée à Cambridge, a été rachetée en 2016 par le japonais SoftBank pour 31 milliards de dollars. L’entreprise est hautement stratégique puisqu’elle fournit la plupart des grands acteurs technologiques (Apple, Intel, Qualcomm, Microsoft, Huawei, Nvidia etc…), ce qui a valu de frôler un rachat par l’Américain Nvidia en 2022, avorté depuis.
Pour soutenir sa croissance en Chine, dont la demande atteindrait un cinquième de ses ventes, Arm créée une joint venture en 2018. La filiale, Arm China, est créée avec plusieurs investisseurs chinois.
SoftBank entre alors dans une période d’intenses tensions rapportées plusieurs fois par Bloomberg et le Financial Times: la filiale de Shenzhen portée par Allen Wu, a pris le contrôle en imposant ses propres règles, et son Pdg n’a pas voulu démissionné malgré le souhait de la maison-mère et de Softbank de se départir de sa filiale chinoise. Le casse-tête continue dans cette période de guerre froide marqué par le “Chips Act” et les export controls imposés par les USA. La société britannico-japonaise, qui annonce un revenu de 2,7 milliards de dollars en 2022, cherche aujourd’hui à lever 8 milliards de dollars en bourse au Nasdaq. Sa division Arm China a réalisé 700 millions de dollars sur un modèle de ventes de ses licences aux clients chinois, licences aujourd’hui à protéger comme des bijoux à la banque.
La chronique de Pierre Haski
Souveraineté européenne made in China
Un des participants officiels à l’inauguration de la gigafactory de batteries électriques ACC de Douvrin, dans les Hauts de France, en début de semaine, est revenu ébloui. « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau et impressionnant sur le plan industriel », a-t-il confié. Avant d’ajouter, moins épaté : « mais toutes les machines sont chinoises dans l’usine …
La chronique de Bruno Gensburger
Parcs
Parcs - 公园 - Gōngyuán Il doit avoir dans les 65 ans. Ou pas tellement plus. On se demande comment le poids du pare-brise noir en lévitation qui lui tient lieu de lunettes de soleil peut se maintenir sur une telle absence de nez. Immobile dans son vieux blouson en toile, il est pétrifié dans la posture hiératique de celui qui retient à deux mains le fil…