Soft power

Malgré les nombreux conflits qui ont lieu sur le globe, peut-on parler, en France, de guerre comme si elle était déjà là ? Ce terme employé quotidiennement n’est-il pas un peu excessif ? Pour ma part, je l’utiliserais avec plus de nuance. D’abord et en premier lieu, en respect des Ukrainiens qui meurent effectivement sur le front, des Gazaouis et d’autres populations sous des bombes réelles. Ensuite, parce que ce terme répond à des codes très précis en matière militaire, qu’il serait bon de se rappeler avant que nous ne soyons obligés de trouver d’autres mots pour décrire l’éventualité du pire. Le chercheur Julien Nocetti, l’invité du live vendredi dernier (extraits plus bas), est d’accord lui aussi pour nuancer le mot guerre :

“Le sur-emploi du terme de guerre hybride de la part des responsables ne facilite ni la compréhension, ni la résolution de problèmes”

Nuance aussi serait de bon ton sur la notion de guerre cognitive, en ceci que ce n’est pas nouveau, on parlait jadis de guerre psychologique, comme le rappelait l’expert Franck Decloquement dans une de nos récentes émissions.

Nuance encore dans le concept de soft power dont on dit qu’il aurait disparu au profit d’un hard power, du clash et des armes. C’est oublier le rôle joué par les organes d’influence : fondations, think tanks, fonds d’investissements, partenariats académiques, conférences ou événements sportifs. Sans oublier les hommes à l’ombre du pouvoir, comme l’avocat Martin Edelman, figure éminente qui a préparé le terrain du voyage de Donald Trump aux Emirats Arabes unis.

Sur ce sujet, ce qui se passe dans les pays du Golfe est majeur, et les puissances économico-technologiques se façonnent ici. Les États-Unis vont autoriser la vente de centaines de milliers de puces chaque année, et les pays du Golfe investiront en retour environ 2 000 milliards de dollars aux États-Unis sur 10 ans. On pourrait penser que ce pari est le bon pour l’Amérique qui veut tenir son rang de leader, mais rien n’est moins sûr. Comme me le confiait un journaliste expert en alliances internationales, un “pays ami” peut être l’ennemi de l’autre sur plusieurs dossiers. Tout est question, finalement, de power…

1- J’aurais aimé vous dire que le signal fort de la semaine, ce sont les 160 ans de l’Union Internationale des Télécommunications qui avait été inaugurée à Paris en 1865 avec la Convention télégraphique internationale, signée entre 20 États européens, permettant la création de l'Union télégraphique internationale, et marquant surtout l’avènement d’un organe de très haute influence (soft power!) sous égide de l’ONU.

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2- J’aurais aussi aimé vous dire qu’Evan Spiegel le Pdg de Snapchat a choisi la France pour y implanté ses bureaux, lui qui est déjà Français et mécène du Château de Versailles.

→ Mais le signal fort qui compte ces derniers jours, c’est la déclaration faite par le nouveau Pape Léon XIV sur l’intelligence artificielle :

L'Église s'attaquera aux risques que l'intelligence artificielle représente pour « la dignité humaine, la justice et le travail ». Dans son premier discours aux journalistes, il a évoqué « l'immense potentiel » de l'IA, tout en avertissant qu'elle exige une certaine responsabilité « pour garantir son utilisation pour le bien de tous ». (extrait du New York Times)

À rebours d’une campagne de lobbying sur l’IA, la plus globale et la plus puissante depuis l’opium et l’alcool, le nouveau Pape choisit la prudence et l’éveil des consciences. Sa déclaration n’est pas seulement une forme d’avertissement, c’est aussi un axe très sérieux de recherche sur cette technologie, puisque le Vatican dispose d’une équipe spécialiste de l’IA chargée d’en encadrer les usages. Un signal fort quand on sait le haut niveau d’expertise de Rome sur les nouvelles technologies.

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