Hors Normes #26
Elon Musk cherche du lithium en Mongolie et en Espagne...Opération derisking chez Sequoia Capital...l'IA, une catastrophe environnementale...
Le chiffre : 63%
C’est le pourcentage d’habitants ayant accès à Internet, selon les données de la Banque mondiale et de l’Union Internationale des Télécommunications. Ce qui correspond à environ 5 milliards d’individus connectés 😯
Décryptage
Sequoia Capital: opération derisking dans le capital risque
Sequoia Capital, investisseur historique de l’innovation mondiale, coupe ses divisions en trois
Le Fonds historique de la Silicon Valley créé en 1972, qui a participé au succès d’Apple, Instagram ou Zoom, et récemment OpenAI, vient d’annoncer qu’il séparait ses divisions en trois entités: la première, Sequoia, pour ses activités de funding aux Etats-Unis et en Europe, la deuxième baptisée “HongShan” (Sequoia en chinois) pour ses investissements en Chine, et "Peak XV Partners" pour l’Inde et l’Asie du Sud-Est.
Cette décision de spliter ces divisions est-elle liée au contexte géopolitique actuel ? Difficile de ne pas lier les deux sujets… D’ailleurs, une partie de la presse mondiale (Financial Times, The Economist) le voit comme tel.
Il faut dire que Sequoia Capital est un empire dans l’empire technologique mondial, il a investi dans plus de 1800 sociétés technologiques, et en premier lieu dans les Big Tech américains, réussissant plusieurs centaines d’exits.
Le poids lourd de Menlo Park a largement diversifié son portfolio, en investissant sur des terres promises, en Chine par exemple. Sa filiale chinoise a investi dans près de 1000 entreprises, principalement dans l’e-santé, le software, les biotechnologies, mais aussi l’e-commerce, et, en sixième position, l’intelligence artificielle “made in China”.
Eviter la crise du portfolio
Mais après une période soutenue de deals en Chine, Sequoia Capital China a dû considérablement ralentir son rythme, et, malgré 9 milliards de dollars levés en juillet dernier, la division a réduit ses investissements de plus de la moitié entre 2022 et 2023. Désormais, en laissant Neil Shen, le patron de la filiale chinoise en électron libre, les décisions seront 100% locales, et, comme le précise The Economist sans partager les co-investissements et les rendements directs avec la maison-mère. Une approche que Jean-David Chamboredon, Président du Fonds ISAI, trouve cependant normale :”les primes de surperformance ou “carried croisés” et les co-investissements sont souvent plus une cause de dispute qu'une véritable valeur ajoutée”, précise-t-il.
“Si les véhicules et les comités d'investissement sont locaux, cela devient difficile en sus de gérer les conflits entre les sociétés des portefeuilles” ajoute-t-il. Autrement dit, il est délicat pour un Fonds diversifié de gérer la montée en puissance de ses champions internationaux sur un segment de marché concurrentiel.
Dans tous les cas, le climat orageux rythmé par les limitations aux exportations, les black-lists de sociétés avec lesquelles ne pas commercer, et la maîtrise des technologies- à commencer par les nano-technologies et l’intelligence artificielle- ne sont pas pour rien dans ce subtil “découplage” opéré par les Fonds d’investissement. Les cas se multiplient ailleurs sur la planète, à l’instar d’ARM et Softbank comme nous le rapportions dans le précédent numéro d’Hors Normes. Les interdépendances amenées par la mondialisation, la vivacité des acteurs entrants et plus seulement silicon-vallyens, la masse croissante d’utilisateurs-connectés, la multiplication des Fonds, et l’hybridation des conseils d’administration des entreprises écrivent une page de l’Histoire technologique assez inédite.
Le regard de Jeff Clavier, Fondateur et Managing Partner de Uncork Capital, un fonds basé à San Francisco,USA
Le contexte géopolitique bouscule-il les investisseurs aux USA ?
Certains fonds américains commencent à dire qu'ils vont diminuer leurs investissements en Chine, étant donné l'animosité qui se développe vis-à-vis des USA. Un des impacts clairs pour les startups américaines est la difficulté de vendre des technologies à la Chine, ou de faire du business avec des entreprises qui sont black-listées par le gouvernement américain, par exemple, DJI pour les drones.
Comment gère-t-on, dans l’univers VC, un éventuel «derisking » comme on le dit dans la sphère diplomatique actuelle ?
Ça ne nous pose pas de problème au jour le jour dans les cinq à dix premières années des entreprises. Mais lorsqu'elles atteignent la maturité, c'est plus sérieux. Nous nous focalisons au début sur le marché US/nord américain qui est monstrueux - et ensuite on s'attaque à l'Europe. Par ailleurs, on ne touche pas vraiment aux cryptomonnaies ou la fintech, où l'ajout de législations risque de créer de réelles barrières. En fonction des stratégies spécifiques des fonds, il y aura plus ou moins d'impact.
En revanche, les conditions économiques, les taux d'intérêts, le plafond des dépenses - et la campagne présidentielle - sont bien plus importants à ce jour… M.M
Tour des news
SEMI-CONDUCTEURS
TSMC mise sur l’Allemagne pour une usine à Dresde
Le fabricant taïwanais TSMC poursuit ses discussions avec l’Allemagne pour y implanter une usine de composants. L’usine devrait être construite à Dresde si les propositions de subventions allemandes sont suffisantes pour TSMC.
TSMC, qui domine plus de la moitié du marché des “chips”, a en effet répondu à l’appel de certains pays pour localiser des lignes de production en Chine et au Japon, et récemment en Arizona aux Etats-Unis.
Le leader des semi-conducteurs a par ailleurs annoncé une première phase de production d’un composant de 2 nanomètres, qui mobilise une unité de 1000 chercheurs à Taïwan, comme le rapporte TechNode. Le sud-coréen Samsung indique travailler lui aussi sur ce nouveau procédé technologique, pour être en capacité de fournir le marché d’ici à 2025.
→ Pendant ce temps, l’Europe vient d’accorder une enveloppe de 21 milliards d’euros dans un “projet important d'intérêt européen commun” de l’industrie des semi-conducteurs. Bercy a, cette semaine, signé un chèque de 7,5 milliards d’euros pour construire une giga-usine STMicroelectronics en France.
L’avis d’Arnaud Loulier, co-fondateur de Capturs, une startup de traceurs GPS pour le civil et le militaire:
“C’est une bonne nouvelle que l’Europe se réveille en misant sur l’industrie des semi-conducteurs, c’est une nécessité. Notre startup s’approvisionne majoritairement en composants asiatiques. D’ailleurs, ils sont d’excellente qualité et le support est meilleur d’année en année. Mais les Chinois fixent les prix, et en Europe, il n’y a pas beaucoup d’alternatives…A part la Lituanie, où nous avons prévu un “back up” d’approvisionnement depuis la pandémie.
La France peut relancer son savoir-faire et capitaliser sur ses atouts. Mais cela va prendre du temps… Au dernier salon “Made in France”, il n’ avait que très peu d’acteurs technologiques…”. M.M
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Un modèle IA= 60 Paris-New York en avion
Super ordinateurs, super prompts… super calculateurs… super consommation ! Un article de The Guardian se penche sur l’impact environnemental des LLM (Large Language Models) et ses mécanismes pour les faire tourner, et c’est plus qu’inquiétant. Une étude actuelle, qui mesure une partie de la chaîne de valeur qui va de la fabrication des composants au déploiement des modèles informatiques, donne des chiffres alarmants. A titre d’exemple, le modèle IA baptisé “Bloom” émet 50 tonnes de CO2, soit l’équivalent de 60 vols en avion entre Paris et New York. The Guardian ajoute qu’un modèle comme ChatGPT3 pourraient approcher les 500 millions de tonnes de CO2 émises !
Par ailleurs, les données accumulées dans les datacenters nécessitent de faire refroidir les systèmes pour éviter leur surchauffe, par une technique d’évaporation de d’eau. Une étude menée par des chercheurs de l'UC Riverside estime que la formation GPT3 dans les centres de données de Microsoft aux USA aurait potentiellement consommé 700 000 litres d'eau douce… Et ces chiffres ne sont que déclaratifs. On ne peut que s’interroger sur la consommation effective que requiert, déjà, les modèles IA, et en pleine crise de l’eau.
Microsoft relocalise ses équipes IA chinoises au Canada
Vancouver, ville maudite pour les Chinois ? En 2018, la fille du fondateur de Huawei avait été arrêtée et placée en résidence surveillée à Vancouver, déclenchant une grosse crise diplomatique. Cinq ans plus tard, Microsoft Research Asia (MSRA), une entité de Microsoft basée à Pékin depuis près de 30 ans, envisage de déplacer une équipe de chercheurs en IA à Vancouver, au Canada, rapporte ce vendredi le Financial Times. Des demandes de visas seraient en cours de dépôt pour permettre à une quarantaine de scientifiques de s’y installer et rejoindre les clusters en IA canadiens. La bataille des talents suit l’essor inattendu de l’IA générative et de ChatGPT/OpenAI, dont Microsoft est un investisseur-clé.
SPACE
Satellite prêt à être hacké
Après le traumatisme qu’ont vécu les Américains après l’attaque attribuée aux Russes de leur satellite Viasat en février 2022, les acteurs du spatial ont recours à de plus en plus des “crash tests” et invitent la communauté de pirates informatiques à saper volontairement leurs systèmes.
Moonlighter est un petit satellite lancé en orbite basse pour être piraté, une initiative baptisée “Hack a Sat”, portée par Aerospace, Space X et la Nasa, et reportée ici par The Recorder.
ENERGIES
Elon Musk cherche du lithium en Mongolie et en Espagne
Elon Musk a discuté en visio-conférence avec le Premier ministre de Mongolie mardi dernier. L’enjeu: les bons potentiels de lithium dans ce petit pays coincé entre la Russie et la Chine. Li Ion Energy, le premier explorateur de saumure de lithium de Mongolie, a un projet de mine qui s'étend sur plus de 80 000 hectares. La Chine, via China Mining Resources Group, a, elle, acquis un gisement sur la zone pour 20 millions de dollars en février dernier.
On apprend aussi par Mining Journal que le patron de Tesla est aussi en pourparlers avec des représentants de la région de Valence, en Espagne.
Le deepfake, arme de désinformation massive
Le Deepfake est parmi nous… Il va falloir apprendre à vivre, et à combattre les deepfake, quelle que soit notre activité, où que nous soyons. Nous autres, journalistes, avons immédiatement frémi à l’apparition de cette technologie qui permet de réaliser des vidéos parfaites, avec mouvements des lèvres et intonations reconnaissables, faisant dire à des pe…
Réconciliation
Réconciliation - 和解 - Héjiě En ces temps de commémorations historiques, peut-être aurez-vous remarqué qu’à deux ou trois jours de distance, ont été célébrés deux grands événements qui, bien que n’ayant rien en commun, donnent tout de même à réfléchir si on s’amuse à les mettre en parallèle.