La bataille des titans
“L’IA est une menace pour la survie de la civilisation”. “Non, l’IA ne va pas tuer des millions d’emplois”.
Depuis plusieurs mois, on assiste à une bataille de déclarations entre les pontes de l’IA, digne d’un combat de titans. Elon Musk n’en rate pas une non plus pour arbitrer l’avenir de ce saut technologique.
Sam Altman, dont on dit dans les couloirs d’OpenAI qu’il se prend pour “Dieu”, n’hésite pas lui aussi à agiter le drapeau rouge: derrière l’IA, il y aurait le “Bien et le Mal”, donnant ainsi à Yann LeCun (Meta/Facebook) l’occasion de le moquer.
Ces punchlines et railleries posent une question : est-ce que rapprocher les découvertes en intelligence artificielle de l’avenir de l’Humanité ne confère pas à celles et ceux qui les fabriquent une notoriété inédite, jamais vue depuis Einstein ou Nostradamus ?
Dans tous les cas, nous sommes, dans ce combat techno-idéologique, assez loin du modèle de la science débattue par les publications scientifiques dans la revue Nature. N’est-ce d’ailleurs pas de cette façon que la régulation de l’IA aurait dû commencer …? M.M
Les News
CRYPTOWORLD
L’eNaira, la monnaie numérique du Nigeria, est un échec
Deuxième pays au monde après la Chine et premier pays d’Afrique à avoir créé sa monnaie numérique, le Nigeria essuie un revers sur sa devise digitale, l’eNaira. 18 mois après son lancement, c’est un échec, comme l’explique cet article de Rest Of World. Seulement 1,4 million de transactions ont été effectuées sur la plateforme eNaira depuis sa création. En octobre 2022, moins de 1,15 million de Nigérians, soit environ 0,5 % de la population du pays, avaient utilisé eNaira, selon Bloomberg.
Créée pour lutter contre l’inflation, et contrer l’essor grandissant des crypto-monnaies, la monnaie virtuelle eNaira n’a donc pas rencontré le succès attendu. En cause, la méfiance des utilisateurs vis-à-vis des autorités, mais aussi un accès limité ou inexistant à Internet dans plusieurs régions du Nigéria, en particulier les zones rurales. En octobre de l'année dernière, au moins 30 millions de Nigérians n'avaient pas accès à Internet, selon le vice-président exécutif de la Commission nigériane des communications.
D’autres pays ont lancé leur propre monnaie numérique, à l’instar de l’Équateur, fin 2014. Le Salvador avait pris le contre-pied en 2021 en faisant du bitcoin une monnaie reconnue par l’Etat. L’expérience s’avère être un fiasco, comme le reporte récemment Le Figaro.
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Apple restreint l’usage de ChatGPT en interne
La firme à la pomme a demandé à ses employés de ne pas utiliser l’outil de langage conversationnel ChatGPT développé par OpenAI, selon les informations du Wall Street Journal. Apple, qui organise sa conférence le 05 juin prochain, serait aussi en préparation d’une interface IA “maison”, douze ans après le lancement de son app de reconnaissance vocale Siri lancé en 2011. Mais l’interface Alexa d’Amazon a remporté plus d’adhésion que Siri.
Si L’entreprise de Tim Cook veut restreindre l’usage de ChatGPT, c’est aussi que les requêtes nourrissent, entraînent et perfectionnent le modèle ChatGPT, qui frôle les 200 millions d’utilisateurs et est désormais disponible sur… mobile…
→Réécouter l’interview de Jean-Louis Gassée (ex-Apple) : “Quel avenir pour Apple dans un contexte inédit?”
SOCIAL MEDIA
Google et Twitter suppriment tous les comptes inactifs après 2 ans
Le temps de l’abondance numérique est-il terminé ? Il semblerait que oui. Avec 350 milliards d’e-mails envoyés chaque jour sur la planète (source Zippia Reasearch), les Big Tech font face à des coûts de stockage et de traitement faramineux pour traiter ces gigantesques volumes de données.
Et c’est précisément ce qui les pousse à prendre des mesures, et en premier lieu de supprimer tous les comptes sans activité, et leurs archives avec.
Google a discrètement publié le 16 mai dernier un communiqué, indiquant que tout compte inactif après deux ans serait supprimé, précisant que les comptes non actifs sont plus exposés au piratage que les comptes actifs soumis à double vérification. Idem pour Twitter qui, par la voix d’Elon Musk, ne conservera pas les comptes qui ne fonctionnent plus depuis plusieurs années. L’enquête de Tate-Ryan Mosley du MIT Technology Review pose la question de l’héritage de nos données numériques face à cette nouvelle politique de purge: les géants de la technologie sont-ils légitimes à être les seuls gardiens du patrimoine numérique mondial, d'un point de vue légal ou éthique ? Bonne et éternelle question…
On ne touche pas à la Section 230
La Cour Suprême des Etats-Unis a rejeté le recours en justice de familles victimes d’attentats pour acter de la responsabilité des géants Twitter et Google, accusés d’avoir favorisé la recommandation par algorithme de contenus de propagande terroriste par l’Etat islamique en Syrie et en Irak.
Ce procès était aussi l’occasion de revenir sur la fameuse Section 230, une loi immuable qui protège et encadre la responsabilité d’éditeurs de contenus en ligne via la “Section 230” promulguée en 1996 dans le Communications Decency Act. Occasion encore une fois manquée.
Meta muscle sa recherche en IA
Nous vous le disions dans un précédent numéro d’Hors Normes : les avancées de IA dépendent en premier lieu de la fourniture et la qualité des composants électroniques, la demande en calcul étant extrêmement gourmande pour traiter les informations. Meta muscle ses infrastructures, notamment en renforçant la puissance de son cluster de recherche en IA, l’augmentation des performances de ses super-computers et la sortie d’une nouvelle puce baptisée MTIA v1. Meta avait déjà investi sur la production de composants, en s’associant notamment avec les fabricants de semi-conducteurs Broadcom et TSMC dès 2021.
L’Etat du Montana interdit TikTok
Le Montana est le premier état américain à bannir l’application chinoise TikTok. Le gouverneur vient de promulguer une loi interdisant l’application chinoise sur son territoire pour protéger les données des utilisateurs. La presse américaine qualifie cette première action de “test majeur”, la mise en application d’une censure s’avérant très complexe: elle s’oppose en effet au premier amendement qui garantit la liberté d’expression aux USA.
Cinq créateurs de contenus TikTok ont de suite déposé une plainte contre cette loi, applicable au 1er janvier 2024.
GAMING
C’est un cas d’école techno-économique ! 37 états ont validé l’acquisition du studio de jeu vidéo Activision Blizzard par Microsoft, bloquée par le Royaume-Uni et les USA.
L’éditeur américain de Candy Crush (200 millions de joueurs), de Call Of Duty, et de World of Warcraft, est en effet la cible de Microsoft, producteur de la console XBox. L’opération d’acquisition s’élève à 69 milliards de dollars, mais les régulateurs anglais et américains du secteur ont préféré bloquer l’opération, pour éviter un trust du marché, notamment celui du Cloud gaming. L’Union européenne en a décidé autrement, comme la Chine cette semaine: elle valide comme les 36 autres états des conditions proposées par Microsoft de licencier tous ses jeux et l’ouvrir à d’autres acteurs, Nvidia en particulier. Le cloud gaming, qui permet de jouer sur différentes interfaces autres que les consoles, est un marché récent en pleine expansion : les revenus sont estimés à plus de 3 milliards de dollars cette année (source AFJV). D’autres pays doivent encore approuver ou non ce rachat qui serait inédit dans l’Histoire du gaming. Microsoft, s’il réussit son pari, serait alors le 3ème acteur derrière le chinois Tencent et le japonais Sony.
La diaspora indienne aux commandes des Big Tech américaines
“Quand un Indien arrive sur le tarmac de l’aéroport de San Francisco, il est accueilli de suite par un groupe de compatriotes”, me confiait l’ancien Consul de San Francisco en 2005, alors que j’étais en reportage sur la “mafia française” de la Silicon Valley. Plus de 15 ans plus tard, la “mafia indienne” est aux commandes des Big Tech aux USA. Dès 1992, entrepreneurs, ingénieurs, hommes d’affaires indiens se sont regroupés en club d’entraide, “The Indus Entrepreneurs “, aujourd’hui baptisé TiE et réparti sur les 4 coins du globe.
La diaspora indienne est une communauté puissante et un atout certain pour le développement économique et technologique de l’Inde, qui vise à “remplacer la Chine”, comme le décrypte Pierre Haski dans sa dernière chronique.
Sundar Pichai, CEO d’Alphabet
Sundar Pichai dirige Google depuis août 2015, il est CTO du groupe Alphabet depuis 2019. Né en Inde, ayant fait ses premières armes dans différents Institutes of Technology, il a atterri comme beaucoup d’autres à l’université de Stanford puis de Pennsylvanie. Il est parmi les plus puissants hommes d’affaires de la Silicon Valley, reçu récemment par Joe Biden et Kamala Harris sur le sujet de la régulation sur l’IA.
Satya Nadella, CEO of Microsoft
Né à Hyderabad, Satya Nadella a rejoint Microsoft en 1992 et en est le CEO depuis 2014, succédant ainsi à Steve Ballmer. Spécialiste du Cloud, Nadella a un parcours d’étudiant typique : formé à Manipal Institute, il part aux USA rejoindre les bancs de l’Université du Wisconsin, puis termine un MBA à L’Université de Chicago Booth School of Business. Nadella s’est donné pour mission de maintenir le leadership de Microsoft notamment dans le Cloud, face aux concurrents Amazon et Google qui dominent le marché.
Shantanu Narayen, CEO d’Adobe
Également né à Hyderabad, Shantanu Narayen a démarré sa carrière chez Apple, il est aujourd’hui le CEO d’Adobe depuis 2007. Il rejoint la firme en 1998 en tant que vice-président international au développement des produits. C’est en quittant l’Université indienne d’Osmania qu’il compète sa formation, notamment par un MBA à Berkeley.
Arvind Krishna, CEO d’IBM
Arvind Krishna a passé une grande partie de sa carrière chez IBM, dont il est le dirigeant depuis 2020. Formé à l’Institut de technologie de Kanpur, puis à l’Université de l’Illinois aux USA, l’homme est aujourd’hui à l’origine d’une douzaine de brevets déposés.
Nikesh Arora, CEO de Palo Alto Networks
Né dans une famille de l'Indian Air Force, il est le PDG et président de Palo Alto Networks depuis 2018, une société spécialisée dans les solutions de cybersécurité. Il a auparavant travaillé chez Google et SoftBank.
Neha Narkhede, co-fondatrice de Confluent
Neha Narkhede a co-fondé et la société Confluent après avoir fait ses armes chez Oracle. Elle a aussi co-créé la plateforme open source Apache Kafka.
Sanjay Mehrotra, CEO de Micron Technology
Né à Kanpur en Inde, Sanjay Mehrotra est connu pour avoir fondé SanDisk, une entreprise de hardware qui fabrique des cartes mémoires et des lecteurs USB. Il dirige aujourd’hui Micron depuis 2017, une entreprise de l’industrie des semi-conducteurs basée à Boise dans l’Idaho.
Sridhar Ramaswamy, CEO de Neeva
Neeva est une startup spécialisée dans l’intelligence artificielle, que dirige Sridhar Ramaswamy, qui a passé 15 ans chez Google. Cet Indien né en 1967 a notamment piloté les activités de publicité et contribué à l’architecture d’AdWords, l’une des briques techniques fondamentales de Google.
Rajeev Misra, CEO de SoftBank Vision Fund
Rajeev Misra a fait un parcours dans la finance. Basé à Londres, il dirige une des plus grosses entités de SoftBank, et co-dirige l’unité de financement avec l’investisseur japonais Masayoshi Son. Après avoir fait ses premières classes d’ingénieur à Delhi, il arrive aux USA au MIT en computer science. Outre ses activités d’investisseur, il est au board des universités qu’il a fréquentées, le MIT et l’Université de Pennsylvanie.
La chronique de Pierre Haski
Le monde selon Modi
Arte a consacré en 2020 un documentaire sur le Premier Ministre Modi, arrivé au pouvoir en 2014. Son gouvernement veut rendre l'Inde plus hindoue, mais aussi la faire progresser au rang de grande puissance, aujourd’hui 5ème économie mondiale, et pays le plus peuplé au monde.