đ Reviens LĂ©on ! Jâai les mĂȘmes Ă la maison ! Les moins jeunes se souviendront sans doute de ce slogan pub dâune cĂ©lĂšbre marque de raviolis.
Câest Ă peu de choses prĂšs le message envoyĂ© par Xavier Niel ce matin Ă Station F, avec lâannonce dâun investissement de 300 millions dâeuros dans un laboratoire dâintelligence artificielle, financĂ© par un trio surprenant : Xavier Niel, Rodolphe Saade (CEO de CGA-CGM) et Eric Schmidt (ancien CEO de Google).
KyutAI (prononcer Cute AI), qui veut dire « sphĂšre » en japonais, est donc ce laboratoire financĂ© par le trio - 100 millions dâeuros chacun- pour faire tourner la structure pendant quatre ans.
En prĂ©sence du SecrĂ©taire dâĂ©tat au NumĂ©rique, Jean-NoĂ«l Barrot, lâannonce intervient deux mois aprĂšs lâinvestissement dans lâIA par Xavier Niel, et notamment pour acheter un supercalculteur Nvidia, lâun des grands fournisseurs dâĂ©quipements nĂ©cessaires au dĂ©veloppement des modĂšles dâIA.
Ces 300 millions dâeuros investis, qui envoient un signal fort pour contrer lâascension fulgurante de ChatGPT et dâOpenAI, seront-ils suffisants pour faire entrer la France dans la compĂ©tition mondiale de lâintelligence artificielle ?
« Câest une dĂ©monstration musclĂ©e, volontaire et bienvenue. Bravo aux protagonistes ! Cela dit, le budget annoncĂ© dans la crĂ©ation de cet Ă©cosystĂšme et ce laboratoire, Ă©quivaut au budget annuel de lâInria (lâInstitut National de recherche en sciences et technologies du numĂ©rique) fort de ses 3900 employĂ©s et chercheurs. » indique Yann Lechelle, membre du Hub France IA, et ancien CEO de Scaleway, la division cloud du groupe Iliad, le groupe dĂ©tenu par de Xavier Niel.
« Comme c'est le cas entre OpenAI et Microsoft Azure, il sera intéressant de voir les synergies entre KyutAI et Scaleway en ce qui concerne l'utilisation des ressources NVidia de l'opérateur, payantes au prix fort ou à moindre coût en cas de capacité disponible », ajoute Yann Lechelle, par ailleurs Expert Numérique dans le cadre du plan France 2030.
Pour se faire une idĂ©e plus prĂ©cise des ambitions tricolores dans la course Ă lâIA, il faut revenir Ă la structuration actuelle des « usual suspects » comme les appellent les spĂ©cialistes :
âą OpenAI a Ă©tĂ© financĂ© par Microsoft, lâun de ses premiers investisseurs (aux cĂŽtĂ©s dâElon Musk, de Peter Thiel, de Reid Hoffman (LinkedIn) et de Sam Altman, lâactuel patron dâOpenAI). La sociĂ©tĂ© de Satya Nadella dĂ©tient 49% de lâĂ©diteur de ChatGPT. Son plan dâinvestissement pluriannuel dans OpenAI atteindrait 11 milliards de dollars, pour une valorisation estimĂ©e Ă 90 milliards de dollars.
âą Autre « usual suspect »: Google et sa startup Anthropic, un projet financĂ© Ă hauteur de deux milliards de dollars par la firme de Cupertino, anciennement dirigĂ©e par Eric Schmidt. Google serait aussi en pourparlers avec Character.AI, une autre startup de lâIA gĂ©nĂ©rative fondĂ©e par deux anciens de Google.
⹠Dernier « usual suspect », Meta (Facebook) et son modÚle open source Llama2, qui bénéficie lui aussi des ressources de Microsoft pour le faire tourner.
Cette course Ă lâintelligence artificielle, dont Nvidia est le grand gagnant pour le moment, et pour laquelle Amazon ou le chinois Baidu nâont pas encore rĂ©vĂ©lĂ© lâentiĂšretĂ© de leur ambition, passe par des investissements massifs, voire spectaculaires comme vous pouvez vous en rendre compte, dans les infrastructures et les capacitĂ©s Ă faire tourner des petaoctets de donnĂ©es.
Beaucoup des experts que je sonde voient une concentration du secteur, câest-Ă -dire que ceux qui nâauront pas les moyens de poursuivre leurs investissements ne pourront pas suivre.
Alors, que pĂšsent les investissements du trio Niel-Saade-Schmidt face aux milliards de Microsoft ? Une rĂ©ponse possible : le poids des compĂ©tences dâingĂ©nieurs et de chercheurs de lâIA. Ăa tombe bien, la France produit parmi les meilleures au monde ( relire lâinterview dâun ingĂ©nieur français chez Google Deepmind).
Car mĂȘme dans le club fermĂ© des « usual suspects », ce sont les talents quâil faut trouver. Et pour les attirer, il faut trouver des arguments. Et lĂ aussi, la tendance est de sâinspirer du modĂšle dâOpenAI : une IA « open source » portĂ©e par une entitĂ© non-profit comme lâa fait OpenAI au dĂ©marrage, le narratif dominant pour motiver les dĂ©veloppeurs. CâĂ©tait le message de sĂ©duction du projet KyutAI ce matin.
Mais il nâest pas dit que ces arguments soient suffisants. Il faut aussi des moyens, surtout quand le salaire moyen dâun dĂ©veloppeur chez Google tourne autour des 300 000 dollars par an.
« Je pense que KyutAI est une opĂ©ration de comâ. En France on est trĂšs forts pour parler avant de faire. On nâa encore aucune idĂ©e de ce qui est prĂ©vu dans KyutAI. Les chercheurs seront draguĂ©s pour y entrer, et seront peut ĂȘtre déçus, comme pour GaĂŻa-X ( le cloud europĂ©en) et dâautres projets souverains », commente un autre entrepreneur de la Tech.
« LâĂ©cosystĂšme de lâIA Ă Paris, ça a lâair bien comme ça. Mais je pense que câest plus un observatoire pour Google pour repĂ©rer les bons profils », commente un autre patron de la Tech, qui veut rester anonyme.
Moralité : il faut laisser sa chance au produit, comme dirait un autre sloganâŠ
đ° Dans lâactu cette semaine :
đșđž Exxon Mobil : du pĂ©trole au lithium
Le gĂ©ant pĂ©trolier Exxon Mobil se tourne vers la production de lithium, minerai essentiel Ă la production des batteries de voitures Ă©lectriques. Le groupe a dĂ©marrĂ© un projet dâextraction en Arkansas aux USA. Si Exxon nâa pas encore choisi sa technologie dâextraction, le groupe affiche son ambition de devenir le leader mondial du secteur, lui permettant dâaller chercher des leviers de croissance complĂ©mentaires aux revenus issus des Ă©nergies fossiles.
đșđž đšđł Qui croit encore dans le Metavers ? RĂ©ponse : Tencent
Meta a annoncĂ© un accord exclusif avec le chinois Tencent pour vendre ses casques de rĂ©alitĂ© virtuelle (VR) en 2024. Lâaccord intervient 14 ans aprĂšs que Facebook ait Ă©tĂ© banni de Chine. AprĂšs un an de nĂ©gociations, les deux sociĂ©tĂ©s se sont entendues sur la commercialisation dâun produit middle class de Quest, le casque virtuel sur lequel Tencent proposera ses jeux et applications.
Le Metavers de Mark Zuckerberg ne serait-il donc pas complÚtement mort-né ? Le marché chinois devrait en tout cas rassurer les actionnaires de Meta qui ont dû assister à de mauvais résultats dans les exportations de produits de réalité augmentée : une baisse de 44,6 % sur un an, selon les données du bureau d'études de marché IDC.
Prédiction : Apple qui a annoncé récemment la sortie de son casque Apple Vision Pro, va-t-il en profiter pour lancer un produit de middle catégorie, calibré pour le marché asiatique �
đČ Quâen pensez-vous ?
đ©đż Datacenters : lâAlgĂ©rie choisit Huawei
Huawei va construire un nouveau centre de donnĂ©es en AlgĂ©rie, comme lâa dĂ©cidĂ© le PrĂ©sident algĂ©rien Abdelmadjid Tebboune. En 2021, le pays disposait dĂ©jĂ de trois centres pour hĂ©berger ses donnĂ©es sur le territoire. Le gĂ©ant chinois des telecoms pourra donc, comme on peut le lire dans LâAlgĂ©rie Aujourdâhui « Ă©pauler les entreprises, les administrations et tout Ă©tablissement algĂ©rien dans sa dĂ©marche de transformation numĂ©rique, qui sera centrĂ©e sur le cloud en proposant des solutions axĂ©es principalement sur lâinfrastructure informatique, les plateformes logicielles et les services du cloud».
đčđł Alibaba forme la Tunisie au e-commerce
LâUniversitĂ© Internationale de Tunis (UIT) propose des formations Ă ses Ă©tudiants pour lâe-commerce et le dĂ©veloppement de projets digitaux grĂące Ă Alibaba. Ătudiants, jeunes entrepreneurs, industriels, exportateurs et commerçants, sont ainsi libres dâutiliser les interfaces et plateformes du gĂ©ant chinois dans le cadre de ces formations, qui seront Ă©largies Ă dâautres rĂ©gions dâAfrique, nous apprend AfriqueITNews.
đŽââ ïž Jack Ma, impĂ©tueux ancien fondateur dâAlibaba jusquâen 2019, sâest dĂ©clarĂ© « trĂšs positif » Ă propos de la santĂ© du groupe, dont lâaction a perdu 10% Ă la Bourse de Hong Kong. Jack Ma prĂ©cise au South China Morning Post quâil continuera Ă dĂ©tenir les actions du groupe. Il reste un actionnaire majoritaire via sa holding familiale.
La vraie bonne nouvelle du Sommet Xi-Biden
Et si le vĂ©ritable test de la relation sino-amĂ©ricaine au XXI° siĂšcle Ă©tait le sujet dont on a le moins parlĂ© lors de la communication sur le Sommet de San Francisco, cette semaine, entre Xi Jinping et Joe Biden ? Je veux parler des armes autonomes, ce sujet majeur et effrayant qui menace de changer la maniĂšre dont se dĂ©roulent les guerres â et vous aveâŠ
Douif Douif
çčć€Șäșș Lâautre jour, lâun de mes lecteurs antisĂ©mites me demandait si les Chinois lâĂ©taient aussi. Pris au dĂ©pourvu et incapable de lui faire la seule rĂ©ponse quâil puisse comprendre, câest-Ă -dire par oui ou par non, je me suis demandĂ© comment lui expliquer simplement une rĂ©alitĂ© complexe jusquâĂ paraĂźtre parfois contradictoire.